Michel Bellier signe un texte émouvant sur un aspect plus méconnu de la première guerre mondiale, le travail des femmes en usine. « Les filles aux mains jaunes » actuellement publié aux éditions Lansman rend un hommage vibrant à ces petites mains de l’ombre que l’on surnommait les obusettes.
« Rose : Pourquoi tu es comme ça ?
Louise : Pourquoi je suis comment ?
Rose : Comme tu es. Enragée ! Tu as toujours les mâchoires serrées, tu ne te reposes jamais. Il y a eu un moment où tu as décidé que tu serais comme ça toute ta vie ?
Louise : Je veux ma place, c’est tout. Et une place pour chacune. »
On les appelait également les munitionnettes ces ouvrières qui, suite au départ au front des hommes, ont intégré les usines de fabrication d’obus. Par la force des choses ces femmes qui n’avaient d’ailleurs pas le droit de vote ont endossé une part de responsabilité dans ce conflit sans avoir aucune idée des conséquences possibles sur leur santé. En effet la manipulation de la poudre de TNT qu’elles inhalaient quotidiennement était hautement toxique et nombreux furent les empoisonnements. Michel Bellier libère ainsi la parole de ces femmes oubliées en croisant les destins de quatre d’entre elles au sein même de l’usine qui les abime. Julie, Rose, Jeanne et Louise, quatre filles aux mains jaunes, qui s’apprivoisent et finissent par se lier malgré leurs différences. L’auteur met ainsi en lumière leur ferveur dans l’attente, leurs espoirs déchus face à cette guerre qui s’éternise et surtout la solidarité qui prend le pas sur les méfiances. Grace au personnage de Louise, il installe aussi progressivement les prémices d’un féminisme naissant, une nouvelle forme d’émancipation des femmes par la pensée puis par l’action. Un texte qui allie donc parfaitement l’émotion et le devoir de mémoire pour un hommage de qualité aux femmes.
Audrey Jean
« Les filles aux mains jaunes » de Michel Bellier
ISBN 978 2 87282 987 3
10€
Lansman éditeur