C’est en femme libre que Rosa « la Rouge » nous apparait. Rosa Luxemburg est sur le point de mourir. Filip Forgeau nous fait revivre à travers cette magnifique pièce une femme hors du commun qui avait la conscience des peuples. Une conscience qui l’obséda toute sa vie et consacra sa perte. Une perte pour l’humanité. Ce spectacle remarquable tient à ce texte fort, dont les accents poétiques se mêlent à l’âpre dureté de cette vie de convictions mais également à la performance de Soizic Gourvil.
Les yeux bandés, elle nous glace le sang par sa détermination à assumer l’ensemble des convictions qui ont dominées sa vie. Cette confession quasi post-mortem sous la plume magnifique de Filip Forgeau est glaçante et émouvante à la fois. Elle nous déroule sa vie par bribes entrecoupées d’une récurrence haineuse et homicide qui nous glace à chaque fois. Une récurrence qui finit par s’adoucir au fil de la pièce avec la fin d’une vie remplie de convictions.  Ce qui frappe dans ce personnage est sa profonde détermination, son absence de peur, et son désir profond de changer la société capitalitste. Ses aspirations d’une révolution mondiale douce afin de libérer le prolétariat du joug capitaliste.
Fuyant sa Russie natale et abandonnant sa famille, elle se jette à corps perdu dans une lutte politique pleine d’illusions. Les espoirs se lèvent et le monde espère. Mais les forces du mal, les FreiKorps auront raison de Rosa la Juive, Rosa la Rouge. Cependant son héritage demeure inestimable. Peut-être a-t-on pu penser un instant qu’elle avait prêché dans le désert mais il n’en est rien. Elle nous a légué le don de soi, sa générosité, son innocence et la fidélité à ses idées.
Filip Forgeau a su avec intelligence conjuguer la vie de Rosa en intégrant sa personnalité émouvante et débordante de sensibilité. A ce titre, ce poème dramatique constitue un petit bijou. Soizic Gourvil est incroyable dans ce rôle qu’elle maitrise à la perfection. Elle nous émeut et retranscrit à la perfection la vie de Rosa. Un spectacle à ne rater sous aucun prétexte.
« Je suis vieille et ils me jettent à terre. Ils me trainent sur le sol. La peau écorchée. Les oldats rient. L’un d’entre eux brandit l’une de mes chaussures en riant. Ils jettent mon corps dans le canal. Je coule.
Ils disent : « voilà la vieille salope qui nage maintenant ». Comme une pierre au fond de l’eau. Une pierre grise dans le nuit noire. »
Laurent Schteiner
Rosa liberté de Filip FORGEAU
Miese en sène de Filip FORGEAU
avec Soizic GOURVIL
- Lumière : Michael VIGIER
- son : Lionel HAUG
théâtre de l’Epée de Bois
Cartoucherie – Route du Champ de manoeuvre – 75012 Paris
www.epeedebois.com
du 10 mars au 26 mars 2016
jeudi et vendredi à 20h30 et samedi à 16h00Â