Avec une mise en scène inventive et enlevée, Joan Mompart remet au goût du jour l’emblématique comédie sociale de Bertol Brecht « L’Opéra de Quat’Sous » actuellement au Théâtre 71 de Malakoff. Cet opéra pour les démunis, les laissés-pour-compte prend une dimension d’autant plus puissante que son sujet reste intemporel. Un spectacle plein de fougue à découvrir jusqu’au 14 Avril !
Fervent défenseur d’un théâtre engagé et politique Bertol Brecht livre ici une de ses plus grandes pièces écrite rappelons-le en 1928. Comme toujours dans son théâtre l’accent est mis sur les inégalités sociales, sur l’exploitation de l’homme par l’homme, sur la quête de pouvoir et les hiérarchies;  « L’Opéra de Quat’Sous » détourne avec habileté les codes pour mieux faire éclater des problématiques toujours cruellement d’actualité . Brecht questionne le monde avec force et offre dans ce texte une tribune aux couches les plus pauvres d’une société en voie de déshumanisation. Mais la pièce s’est aussi distinguée par la musique de Kurt Weill, les célèbres songs ont d’ailleurs depuis fait le tour du monde. « L’Opéra de Quat’Sous » regroupe donc des scènes parlées et chantées au travers desquelles on assiste à une lutte de pouvoir acharnée entre un clan de mendiants mené par Peatchum et une bande de voleurs avec à sa tête Mack le Surineur.
Un tel matériau est un joyau pour la scène et le metteur en scène suisse s’en empare avec délectation, appuyant ça et là sur l’aspect burlesque déjà très présent dans le texte original.  Avec un traitement scénique  qui ne cache pas son aspect artisanal,  Joan Mompart s’ancre dans le réel, il propose ainsi une aventure collective, ludique, promulguant un véritable esprit de troupe il choisit notamment de maintenir ses musiciens au plateau. En effet le spectacle se distingue également par une scénographie colossale. Cristian Taraborrelli a pour l’occasion imaginé une structure métallique tournante dont chaque facette représente un lieu de l’action tandis qu’en son sommet siège l’orchestre, observateur impérial de la déchéance du monde d’en bas. L’imposant mastodonte révèle peu à peu ses secrets, la mise en scène de Joan Mompart réservant son lot de surprises et de trouvailles ingénieuses. Saluons également la qualité de la distribution, homogène, d’un dynamisme furieux, l’équipe d’acteurs interprète avec brio de multiples rôles sans jamais se départir de son énergie et de son enthousiasme contagieux. Le temps file laissant le spectateur suspendu à cette intrigue à tiroirs passionnante, une intrigue qui met en lumière ceux que l’on ne regardent jamais. Indéniablement Brecht sait comme personne réunir la festivité d’un opéra jubilatoire et la profondeur d’une satire politique. Le Théâtre 71 devient ce lieu, cette tribune pour ceux qui n’en ont plus, un espace libre où gronde l’utopie.
Audrey Jean
« L’Opéra de Quat’Sous »
Musique de Kurt Weill et texte de Bertolt Brecht
Traduction de Jean-Claude Hémery
Mise en scène Joan Mompart
Scénographie Cristian Taraborrelli
Direction musicale Christophe Sturzenegger
Avec : Carine Barbey, Charlotte Filou, Brigitte Rosset, Jean-Philippe Meyer, François Nadin, Lucie Rausis, Thierry Romanens, Philippe Tlokinski et les musiciens Olivier Bernard, Denis Desbrières, Guillaume Dutrieux, Nicolas Fehrenbach, Pierrrick Hardy, Charles Kieny, Jean-Louis Pommier, Julien et Yves Rousseau, Pierre-François Roussillon.
Jusqu’au 14 AvrilÂ
Les mercredi, jeudi, samedi à 19h30
Les mardi et vendredi à 20h
Les dimanche à 16h
Théâtre 71, scène conventionnée de MalakoffÂ