Le théâtre de l’Odéon vient de mettre à l’honneur la Mouette de Tchekhov dans une mise en scène magistrale de Thomas Ostermeier. Sa mise en scène épurée à l’extrême donne toute sa mesure dans un texte dont la quintessence transparait dans une scénographie minimaliste apportant ainsi une force insoupçonnée. C’est dans la simplicité que se révèlent les grands metteurs en scène !
L’histoire de cette pièce traduit cette quête désespérée de rêves qui animent certains hommes. Des rêves qui hantent Treplev, un jeune auteur de formes nouvelles cherchant à obtenir la reconnaissance et l’amour de sa mère Arkadina, célèbre comédienne amoureuse de Trigorin, un auteur à succès. Nina, une jeune comédienne  dont Treplev est amoureux rêve de devenir une actrice reconnue et adulée. Mais à la façon de Racine, dans son Andromaque, Tchekhov reconstitue une cascade d’amours frustés. C’est ainsi que Macha aime Treplev qui aime Nina qui aime Trigorin. Cette pièce, qui témoigne des illusions perdues, s’achève de façon dramatique.
Thomas Ostermeier a choisi dans cette création de briser les tabous et casser les codes et les conventions classiques attachées à cette pièce. Dans un espace nu et gris, une artiste entreprend de peindre le paysage où se déroule l’action de cette pièce. A l’aide d’un balai et de la peinture noire, elle peint le mur frontal de la scène. Elle y dessine les contours qui prennent  forme au fur et à mesure. Le lac apparait puis la végétation et enfin la montagne s’élève. Tout ceci s’avère étonnant et singulier.
Thomas Ostermeier entend ne conserver du texte que son écrin originel, et ne garder que le jus indispensable à la traduction de la pureté des sentiments. Tout est déstructuré pour ne ressentir que les émotions à fleur de peau qui nous balayent et nous transcendent. La chair est à vif tout comme les sentiments qui exultent. Si le fil rouge de cette pièce réside dans la croyance, elle devient le crédo de ses personnages qui se débattent dans l’accomplissement de leurs rêves et des illusions qui les condamnent. « Croire permet de ne pas souffrir ». Mais l’heure des comptes sonne le glas des espoirs. Tout vacille à l’image de Nina qui titube, qui a traversé sa vie à le recherche de ses rêves. Ces personnages deviennent alors des spectres qui sont condamnés à errer. Treplev dans un sursaut de lucité, spectateur de cet abyme, planté devant ce paysage barré désormais de noir, contemple sa chute inexorable qui l’anéantira.
Les comédiens sont tous excellents et leurs personnages transpirent les émotions qui les animent. Saluons notamment les performances de Mélodie Richard, de Valérie Dréville et de Matthieu Sempeur qui nous ont transportés durant ce spectacle remarquable.
Mais cette création est également riche d’humour à froid, d’un humour grinçant qui force le rire et qui concourt à décaler le propos et enrichir les personnages. Les chansons de Jim Morrison assurent des respirations en situant le propos dans une époque où la légèreté rejoignait la liberté. Cet hymne à la liberté dont la mouette en est sa symbolique. Une mouette tuée par désÅ“uvrement. Un signe s’il en est.
Laurent Schteiner
La Mouette d‘Anton TCHEKHOV
mise en scène de Thomas OSTERMEIER
Traduction et adaptation Olivier CADIOT et Thomas OSTERMEIER
avec Bénédicte CERUTTI, Valérie DREVILLE, Cédric EECKHOUT, Jean-Pierre GOS, Francois LORIQUET, Sébastien POUDOUROUX, Mélodie RICHARD et Matthieu SEMPEUR
- Musique : Nils OSTENDORF
- Scénographie : Jan PAPPELBAUM
- Lumière : Peter KLEINERT
- Dramaturgie : Marie-Christine SOMAÂ
- Costumes : Nina WETZEL
- création peinture : Khatarina ZIEMKE
- © Arno DECLAIR
Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon
75006 PAris
2o mai-25 juin 2016 Ã 20h00
durée 2h30
www.theatre-odeon.eu
réservations : 01 44 58 40 40