Depuis un coup de foudre absolu en 1968 durant le festival d’Avignon, Laure Adler n’aura eu de cesse d’aller à la rencontre des artisans de la scène, ces créateurs de théâtre qui l’entrainent tous les soirs ou presque dans une nouvelle aventure, un nouveau voyage toujours plus passionnant. « Tous les soirs » raconte avec ferveur l’intimité d’une spectactrice, comme un long poème d’amour dédié aux artistes, aux metteurs en scène contemporains qui ont bouleversé au fil du temps son parcours théâtral.

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« Le théâtre s’est débarrassé de son trop plein de signification, de son côté « leçon de choses », loupe de la société pour devenir un espace de réflexion, un rituel d’introspection, une réappropriation du monde par l’exorcisme des fantômes du passé. Les metteurs en scène européens ne font plus appel à notre prétendu « savoir » mais à notre propre sensibilité, notre subjectivité, en estimant qu’il y a autant de visions de leur spectacle que de spectateurs. On a trop longtemps forcé le théâtre à exprimer la vérité. Maintenant, il s’occupe plus de convoquer et d’inspirer notre propre imagination et requiert ainsi du metteur en scène qu’il mette en jeu son « je » pour nous entrainer dans un questionnement de nous-mêmes. »

C’est l’histoire d’une fascination qui ne s’éteint jamais. Un renouvellement constant, un amour infini puisqu’il prend chaque jour un nouveau visage, une nouvelle forme. Et pour cause, la foisonnance du paysage théâtral contemporain l’enrichit en permanence de nouveaux textes, de nouveaux acteurs, de nouveaux metteurs en scène. Une matière sans limites, une matière mouvante qui touche, froisse, bouleverse, hérisse, agace, tout à la fois. Laure Adler livre cette passion de spectatrice sans cesse bousculée par les artistes du théâtre d’aujourd’hui. Tout en décrivant son rapport intime à la scène, son point de vue de spectatrice, elle convoque dans ses pages les grands noms du théâtre contemporain, réalisant du même coup un ouvrage d’anthologie pour qui voudrait s’y initier. Ariane Mnouchkine, Roméo Castelluci, Thomas Ostermeier, Luc Bondy ou encore Thomas Jolly par exemple ont ainsi l’occasion de défendre leur démarche, leur regard, leur théâtre. Auteure émérite, Laure Adler sait sans aucun doute trouver les justes mots pour leur rendre un fervent hommage, pour décrire à quel point l’art de la scène crée de nouveaux mondes dans lesquels il fait si bon se perdre. « Tous les soirs »  donnera incontestablement à chacun l’envie immédiate de rejoindre les salles obscures de nos théâtres, le besoin de chercher dans la culture un nouveau souffle de vie.

« C’est un moment qui est très fragile, le temps de la représentation, et qui peut s’interrompre à tout moment. C’est une série d’accidents. C’est pour cette raison que je suis toujours présente. C’est un moment d’utopie absolue. C’est extrêmement érotique, ce qui lie le public et les acteurs, c’est un moment de désir, de sensualité, de caresse par les yeux. Je pense que le théâtre, c’est un rapport d’offrande. A l’origine, il était offert aux dieux devant des êtres humains, puis le public est devenu, au fond, le dieu. Mais cette présence existe toujours. J’ai des bouffées d’amour pour ce théâtre qui nous tient encore unis. C’est comme un arc électrique qui se crée quand on rapproche deux pôles. »

Audrey Jean

« Tous les soirs » de Laure Adler

ISBN 978 2 330 06414 3
13€

Actes sud papiers

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