Le Richard III de Thomas Ostermeier était très attendu au Théâtre de l’Odéon. Et nous n’avons pas été déçus compte tenu de la qualité de la mise en scène. Soulignons ici la magnifique traduction de Marius von Mayenburg. Ce spectacle, battant en brèche tout classicisme, s’apparente davantage à une farce grotesque et sinistre. Cet éclairage nouveau quelque peu déstructuré nous offre une version toute aussi forte que vertigineuse. Du grand art !
Thomas Ostermeier nous a livré là un spectacle déstructuré et haut en couleur. Cette pièce se démarquant des précédentes versions est caractérisée par un faux rythme où Lars Eidinger s’amuse à provoquer le public et le faire rire. Aidé en cela par un micro éclairé d’une lumière, le tout relié à un cordon attaché en hauteur, Richard III se livre à cÅ“ur ouvert avec ses angoisses, sa honte d’être ce qu’il est, ses rêves et ses ambitions. Son miroir lui renvoie une image qu’il ne peut supporter. Sa faiblesse et son infirmité lui permettent de jeter les bases d’une action politique forte et brutale. C’est en grand manipulateur s’inspirant de Machiavel et usant de séduction qu’il va dévoiler le lit de ses ambitions.
Mais Thomas Ostermeier a davantage privilégié les tréfonds de l’âme de Richard touchant à l’indicible et nous renvoyant une image peu formatée d’une dimension humaine qui échappe à tout tabou. Thomas Ostermeier joue ici avec l’inavouable que son personnage exécute. Il franchit le pas afin de se hisser à la même hauteur que ses frères. Ses atouts sont régis par la vengeance et la reconnaissance même de sa valeur. Ce faisant, ses armes reflètent l’opportunisme et la violence qu’il banalise. Mais Richard est conscient qu’il est devenu sa propre marionnette et qu’un destin funeste et grotesque l’attend. Le masque qu’il revêt et sa nudité sont les faces extrêmes d’un même tenant le personnalisant avec acuité.
Le drame de Richard III pourrait se résumer à l’absence de reconnaissance due à une infirmité qu’il le déprécie à chaque instant. Le seul moyen d’exister consiste à se révéler à travers ses monstruosités. Paradoxalement Thomas Ostermeier nous présente une âme désespérée et habitée par une noirceur qui signe cette tragédie. Mais la force de Thomas Ostermeier est de nous confronter à ce personnage fragile et malveillant en révélant nos propres failles et de nous transporter dans un univers ou nos faux-semblants sont laissés à la porte de notre bonne conscience. A ce moment précis Richard III nous emporte avec lui ! Saluons la performance de Lars Eidinger qui nous gratifie d’une prestation étonnante. N’oublions pas les comédiens qui l’entourent par une superbe maitrise du jeu. Enfin la musique de Thomas Witte rythme de façon lancinante ces séquences étouffant les spectateurs dans cette farce sinistre.
Thomas Ostermeier signe là un magnifique spectacle décalé, plein d’intelligence et d’originalité : la marque des grands !
Laurent Schteiner
Richard III de SHAKESPEARE traduction de Marius von MAYENBURG Mise ne scène de Thomas OSTERMEIER
Avec Thomas BADING (Edward, Le Lord-Maire de Londres, 2e assassin), Robert BEYER (Catesby, Margaret, 1er assassin), Lars EIDINGER (Richard), Chistoph GAWENDA (Clarence, Dorset, Stanley, Prince de Galles, Marionnette), Moritz GOTTWALD (Buckingham), Jenny KÖNIG (lady Anne), Laurenz LAUFENBERG (Rivers, York et marionette), Eva MECKBACH (Elizabeth), David RULAND ( Hastings, Brakenbury, Ratcliff) et le musicien Thomas WITTEÂ
- Scénographie : Jan PAPPELBAUM
- Dramaturgie : Florian BORCHMEYER
- Musique : Nils OSTENDORF
- Lumière : Erich SCHNEIDER
- Vidéo : Sébastien DUPOUEY
- Costumes : Florence von GERKAN
- © Arno DECLAIR
Théâtre de l’Odéon – Théâtre de l’Europe
Place de l’Odéon
75006 Paris
www.theatre-odeon.eu
Locations : 01 44 85 40 40
Jusqu’au 29 juin 2017 à 20h du mardi au samedi