Après le succès du spectacle « Illumination(s) » Ahmed Madani est de retour avec une création qui se positionne en miroir de la précédente « F(l)ammes ». Tandis que la première pièce donnait la parole à de jeunes hommes issus des quartiers populaires, ce sont cette fois des femmes qui nous racontent leurs histoires. De nouveau programmé à la Maison des Métallos ce spectacle ancré dans le réel, fort et nécessaire sera par la suite au Théâtre de la Tempête.
Ahmed Madani a fait de son théâtre un acte chargé de symboles, alliant le politique au poétique, un théâtre engagé pour porter haut la parole de ceux que l’on n’écoute généralement pas. Dans « Illuminations(s) » il donnait d’ailleurs déjà à voir des jeunes hommes de Mantes-la-jolie. Poursuivant ici ce cycle intitulé « Face à leur destin » c’est au tour de femmes, issues elles aussi de quartiers populaires, de collaborer avec le metteur en scène pour un spectacle cathartique et porteur d’espoir.
Elles sont dix. Une à une elles vont prendre le micro et raconter un bout de chemin, un bout de vie. Dix actrices inexpérimentées pour un état des lieux urgent, une crise avérée dont nous sommes tous acteurs et spectateurs à la fois. À l’aide de leurs témoignages Ahmed Madani tisse un récit polyphonique qui mêle habilement réalité et fiction. La France issue de l’immigration c’est comme ça qu’on l’appelle. À tort. C’est incontestablement la France tout court. De nombreux sujets de société sont ainsi explorés parfois avec humour, parfois pour exorciser, parfois avec rage, en mots, en musiques, en chansons, en images. Un récit dur à  entendre et terriblement drôle a la fois, cathartique et violent par endroits avec notamment cette scène poignante sur le douloureux sujet de l excision. Anissa, Yasmina, Inès ou encore Laurène sont debout, face à nous, enracinées elles ne flanchent pas, et nous adressent directement leurs histoires, leurs ressentis, leurs doutes. Une parole de l’intime au service de causes universelles, la libération des femmes et la représentation de la France telle qu’elle existe dans la réalité. Des visages que l’on ne voit pas assez sur les plateaux de théâtre, des femmes que l’on n’entend pas assez dans le débat public, des histoires en colère, furieuses, émouvantes, amusantes. Tout est là , comme une cartographie du pays, un inventaire de ses ressources et problèmes a régler. Certes la forme semble un peu simpliste et redondante mais l’exemplarité de la démarche associée à l’énergie débordante de ces jeunes femmes, leur sincérité et leur générosité effacent rapidement cette structure un peu étriquée. Rappelons simplement  à quel point il est nécessaire que nos scènes de théâtre soient le relais engagé de cette parole. Rappelons juste à quel point il est indispensable que nos plateaux se fassent l’écho brûlant de cette minorité, celle des quartiers mais aussi celle des femmes,  plus que jamais une minorité  visible et belle.
Audrey Jean
« F(l)ammes » texte et mise en scène Ahmed MadaniÂ
avec : Anissa Aou, Ludivine Bah, Chirine Boussaha, Laurène Dulymbois, Dana Fiaque, Yasmina Ghemzi, Maurine Ilahiri, Anissa Kaki, Haby N’Diaye, Inès Zahoré
Maisons des Métallos jusqu’au 29 Octobre
Les deux textes d’Ahmed Madani sont à découvrir chez Actes sud papiers