En ouverture des Théâtrales Charles Dullin Maïa Sandoz renoue avec son auteur fétiche Marius Von Mayenburg et porte à la scène un de ses derniers textes « Stück Plastik, une pièce en plastique ». Au coeur d’un dispositif quadri-frontal elle est accompagnée par quasiment la même distribution que pour son adaptation de Denis Kelly, afin de nous divertir d’une satire truculente doublée d’une scénographie aux couleurs pop.
Il est médecin, elle est l’assistante personnelle d’un artiste contemporain en vogue, en couple depuis un petit moment, un enfant, appartement chic, belles robes et décoration soignée, ils feraient donc partie de la société qui réussit. Pourtant ils n’oublient pas d’où ils viennent, ils n’oublient pas qu’ailleurs indéniablement certains n’ont pas eu leur chance, alors ils essaient de ne pas déroger à leurs grands principes humanistes, surtout ne pas faire trop étalage de richesse, surtout ne jamais cesser de considérer autrui comme un égal. Enfin ça c’est ce qu’ils croient, ou ce qu’ils veulent faire croire, car en effet la frontière est mince et poreuse entre convictions et actes. En engageant une femme de ménage, car ils sont débordés et n’arrivent plus à s’organiser surtout vis-à -vis de leur adolescent de fils, ils passent ainsi définitivement du côté des patrons. Ils se retrouvent vite engloutis par le fossé abyssal entre ce qu’ils voudraient être et ce qu’ils sont en réalité et surtout ils vont avoir de plus en plus de mal à maintenir l’exigence de leurs beaux idéaux humanistes. Comme à son habitude, Marius Von Mayenburg pose son regard froid et clinique sur une frange de la société. En jouant de leurs contradictions il articule autour de ses personnages un mécanisme implacable fait de tensions, de pressions, les poussant dans leurs retranchements jusqu’à l’implosion. Il tend ici à ses héros ordinaires, assez détestables au demeurant, un miroir grossissant, nous exhortant par la même occasion à regarder en face la réalité derrière nos éventuels beaux discours en société. Sommes-nous réellement aussi engagés que ce que nous revendiquons ? Tous les mensonges que nous pourrions nous dire au quotidien, toutes les thématiques y passent dans un enchaînement globalement bien rythmé malgré quelques longueurs: la passion du couple qui s’éteint avec le temps et la manière dont on en garde honteusement le secret, la déception indicible d’avoir un enfant trop éloigné de ses attentes, les rêves de carrière humanitaire mis de côté au profit d’un choix moins risqué mais plus bourgeois, la sensation de supériorité qui s’installe très vite lorsque l’on touche d’un peu plus prés le pouvoir, également la pertinence même de l’acte de création artistique. Maïa Sandoz retrouve son équipe de comédiens fétiches et les codes de mise en scène des précédentes créations notamment une direction d’acteurs axée dès le début de l’intrigue sur une forme de grotesque. Elle surligne ainsi les incohérences de ces personnages, leurs défauts et leur bêtise, empêchant du même coup toute forme d’empathie.  S’il n’y a pas à proprement parler de surprise dans cette nouvelle création de Maïa Sandoz, on retrouve avec plaisir le cynisme de Marius Von Mayenburg, et une distribution  dynamique qui contribue grandement à la cohérence de l’ensemble.
Audrey Jean
« Stück plastik, une pièce en plastique de Marius Von Mayenburg
Mise en scène de Maïa Sandoz
Avec Serge Biavan, Maxime Coggio, Paul Moulin, Maïa Sandoz et Aurélie Verillon
Théâtre des Quartiers d’Ivry
Dans le cadre des Théâtrales Charles Dullin