Dans cette édition du festival Off d’Avignon Diastème signe deux textes « La paix dans le monde » et « 107ans » tous deux programmés au Théâtre Artéphile. La langue de Diastème est à la fois poétique et abrupte, traitant avec réalisme les aberrations et la violence de notre société déshumanisée. « 107ans » est de cette veine, histoire désabusée d’un amour adolescent gangrené par une folie qui ne s’éteindra jamais. Simon Fraud en interprète équilibriste flirte dangereusement entre passion amoureuse et folie meurtrière, inquiétant et touchant à la fois. Un texte fort.
Simon aime Lucie, Lucie aime Simon. Un premier amour, de ceux qu’on n’oublie jamais tant ils marquent au fer chaque parcelle du corps, chaque recoin de l’âme. Simon aime Lucie, Lucie aime Simon. Mais peut-être parfois c’est trop, l’amour, peut-être parfois la passion ça fait peur à Lucie et Simon ne contrôle pas tout. C’est l’histoire d’une passion que le temps n’altère pas, une passion indomptable, incontrôlable, qui détruit tout sur son passage et dévore Simon de l’intérieur.
Le texte de Diastème est écrit à la première personne, sans filtre Simon se raconte, il délivre sa version de l’histoire avec innocence sans en mesurer tous les enjeux. C’est une parole au rythme lent, comme un poison qui se distille lentement elle délivre sa violence subrepticement, presque sournoisement. Ce crescendo dramatique dans le récit repose principalement sur l’incroyable performance de son interprète Simon Fraud. Il nous adresse ce témoignage pourtant éprouvant avec tellement d’aisance, tellement de naturel que le public est immédiatement persuadé que l’acteur est lui-même le héros tourmenté de ce drame. Pourtant l’exercice est pour le moins périlleux; l’apparente décontraction du personnage, sa nonchalance  qui donne même lieu à quelques rires se teinte peu à peu d’horreur. La passion dévastatrice de Simon pour Lucie révèle lentement ses secrets, glissant vers un danger de plus en plus palpable. Adrienne Ollé choisit la sobriété pour sa mise en scène afin de mieux faire résonner la langue. Elle la met en forme avec subtilité, dans la beauté d’un jeu de lampes,  délicat comme un chemin de lumière pour guider Simon dans son obscurité.
Audrey Jean
« 107ans » de Diastème
Mise en scène Adrienne Ollé
Avec Simon Fraud
Festival Off d’Avignon
Théâtre Artéphile à 18H25