Le 11 Gilgamesh fait preuve d’un éclectisme certain pour sa programmation au festival d’Avignon, il est incontestablement un des lieux les plus audacieux pour représenter les créations originales ou hybrides. C’est donc tout naturellement que l’on y retrouve Exit, compagnie dirigée par Hélène Soulié et adepte de formes performatives, avec un spectacle fort véritable manifeste pour la révolte, hommage vibrant au groupe NTM et à la culture rap.
Elle est étonnante Claire Engel, elle est là sur le plateau, on la croirait intimidée, mal assurée. On a du mal à l’imaginer en aficionada, en fan de la culture rap, du tag, de l’underground et du non-politiquement correct qui y était associé à son avènement dans les années 90. C’est là précisément le coup de maître de cette création, démontrer par la simple présence de cette actrice à quel point NTM a représenté quelque chose qui va bien au-delà de toutes les formes, de toutes les normes. Comment ce groupe de rap, comment son flow, ses paroles, ses interviews ont généré une énergie, une force suprême qui a tout ravagé sur son passage. Hélène Soulié en adaptant le texte « Du bruit » de Joy Sorman parle évidemment à cette génération NTM, elle nous parle de cette sensation si particulière et inoubliable qu’a pu provoquer, chez beaucoup d’entre nous, l’écoute des premiers sons hip-hop. Mais bien sûr ce geste théâtral est beaucoup plus grand. C’est un appel à la révolte, un manifeste qui nous pousse à l’indignation, qui nous supplie de ne pas nous embourgeoiser, de ne pas fermer les yeux face à un confort relatif mais bien de saisir l’urgence absolue du monde. Celle qui était déjà là dans les textes du groupe NTM, la fureur qui était déjà là dans les tours des banlieues des années 90, le bruit qui grondait déjà dans les entrailles d’une jeunesse qui voulait en découdre. Par sa prestation Claire Engel personnifie l’engagement, l’engagement militant de la pensée, le questionnement sur le politique que nous devrions nourrir au quotidien mais aussi et surtout l’engagement de tout un corps, son corps qui vibre, tangue, se plie tandis qu’elle nous assène ses scansions à l’énergie contagieuse. Le dispositif est minimaliste, micros et enregistrements sonores restitueront 30ans de contestations et de politiques déconnectées du réel, tandis qu’une imprimante délivre presque en continu la justesse des rimes de NTM. Claire Engel hypnotique dans ce plaidoyer pour le bruit règne en déesse de la fureur, elle nous contamine et nous injecte des flux de mots d’une puissance revigorante.
Audrey Jean
« Du bruit et de fureur »
Conception et mise en scène Hélène Soulié
Avec Claire Engel
Dramaturgie Marine Bachelot NGuyen
Adaptation Hélène Soulié
Assistante mise en scène Camille Thibaud
Dispositif sonore Carole Rieussec / Kristofk.roll Assisté d’ Axel Pfirrmann
Scénographie Emmanuelle Debeusscher
Festival Off d’Avignon
11 Gilgamesh à 20h15