Univergate sera à l’affiche du Studio Hébertot dans le cadre du Phénix Festival les 3, 4 et 5 juin à 21h. Renaud Benoit a bien voulu nous révéler les dessous de sa mise en scène.Â
Quelle est la genèse du projet ?
Louise Caron  avait vu mon père à Avignon dans un Simenon, Lettre à mon juge, elle a pensé à lui pour jouer Etienne Ferrari le personnage principal dans son dernier manuscrit UNIVERGATE. Mon père m’a envoyé le manuscrit. Pour moi, il était évident que le personnage de cette histoire était plus jeune que lui. De mon côté, j’avais pensé à Serge Dupuy avec qui j’avais déjà travail. Serge Dupuy correspondait parfaitement au personnage. Tous les deux, nous avons alors travaillé sur l’adaptation. On a recentré ce personnage qui s’est fait virer d’une grosse société Univergate. Le personnage s’écroule peu à peu. Puis il va remonter la pente et rebondir. Jusqu’à quel point est-il prêt à se compromettre pour garder son statut social ?
Comment avez-vous financé ce projet ?
Serge a obtenu un ADAMI déclencheur. Moi j’avais beaucoup travaillé avec la Comédie de Picardie à Amiens. Nous avons fait une lecture à son directeur qui a été tout de suite convaincu. Et il est devenu coproducteur.
Quelles ont été les contraintes de mise de scène ?Â
Le texte était très long. On a du faire avec Serge un gros travail d’adaptation. Par ailleurs, je ne voulais pas en faire un seul en scène. Serge faisant plusieurs personnages qu’il croise tout au long de sa vie, je ne voulais pas que cette pièce devienne un standup face au public. Dans cette histoire, après un accident de la route, le personnage de Serge se retrouve auprès d’un mort à qui il va livrer une confession. Cette forêt m’a fait penser de suite au royaume d’Hadès, le royaume des morts. Le mort à ses côtés n’est pas si mort que ça. Ce mort qu’il transporte pourrait être aussi Sisyphe et son boulet. En prenant l’histoire dans tous les sens, je me suis rendu compte que ça tenait au niveau de la mythologie. J’adore car ça donnait un côté très onirique. Serge devait trouver des points de chutes et des repères dans son personnage. Et chaque fois, il s’agissait d’un personnage mythologique. Finalement on ne sait jamais s’il est fou ou non, s’il imagine tout ça ou non ?
Quelle scénographie avez-vous imaginé ?
J’ai pensé à des tatamis japonais, en paille. Cela devenait des rectangles, et ça m’a fait penser aux tableaux de Mondrian, une sorte d’échiquier de couleur qui évoque la nature et la structure mentale du personnage. Ici, les couleurs rouge, jaune et bleu deviennent des images oniriques, liés entre elles par un environnement sonore de sons organiques, et synthétiques rappelant un souvenir, un lieu, une action. On ne sait plus s’il s’agit d’un cheminement cérébral ou un cheminement dans la forêt. Ça parait intello ce que je raconte amis cela ne l’est pas ! (rires)
Quelle a été votre liberté en passant de la lecture au plateau ?
Elle a été totale. Elle m’a permis d’y inclure de la vidéo. Je voulais voir des images cérébrales du personnage, des images symboliques, oniriques et documentaires projetés sur du noir.  La question que je me suis posé comment un enfant qui regardait Nounours avait pu devenir ce tel personnage odieux. Je voulais une lecture à la Martin Scorcese où le héros finit par se brûler les ailes.
Une anecdote marquante ?
On était en résidence dans un théâtre et on réfléchissait sur la projection des images vidéo. On pensait éventuellement les projeter sur un tulle. Afin de constater de visu ce qu’il en était, alors que je m’étais absenté, Serge était monté sur la tour haute de 5 mètres pour y accrocher le fameux tulle. La tour a basculé. Il est tombé. Il s’est retrouvé à l’hôpital. On a dû l’opérer au niveau de la colonne vertébrale. On a eu très peur. Sa chute annonçait celle de son personnage. On a tous été marqué par cet accident !
Comment définiriez-vous votre mise en scène en un mot ?
Onirique et réaliste. En effet, nous sommes à la croisée de deux mondes : un monde mythologique et un monde réel (celui de Google, Univergate, Amazon, Facebook…). La conclusion s’inspirerait du film don’t look up, sur la fin de notre monde : « et pourtant, on avait tout… » Univergate, c’est ça !   Â
Propos recueillis par Laurent Schteiner