Fêtes nocturnes de Grignan : « Les Fâcheux » de Molière, une comédie-ballet proposée par Julia de Gasquet
Cette année, la programmation des fêtes nocturnes de Grignan a fait place nette au 400e anniversaire de la naissance de Molière. A ce titre et afin d’honorer ce grand dramaturge, la comédie-ballet des Fâcheux s’est imposée logiquement. Cette pièce aux allures de fêtes reprend l’esprit qui concourait en aout 1661 au château de Fouquet à Vaux-Le-Vicomte. La mise en scène étincelante de Julia de Gasquet nous plonge dans les fastes de cette époque dans une symbiose de danse et de musique baroques.Â
Cette pièce traduit ce rapport ténu entre la magnificence déployée par Fouquet devant un monarque jaloux de ses prérogatives. La somptuosité et l’éclat de la fête ne pouvaient que précipiter sa chute. Si le Surintendant des finances fut accusé de détourner l’argent public à son profit, il s’apparente aux yeux de tous à un parasite. Du parasite au fâcheux, il n’y a qu’un pas que franchit allègrement Molière. Mais que sont ces fâcheux dans ce spectacle ? Une somme d’importuns qui empêche le marquis Eraste de retrouver sa belle Orphise afin de lui déclarer sa flamme et obtenir sa main. Cette succession incongrue et invraisemblable force le rire tant Eraste se voit empêché de retrouver Orphise. Leur tempérament jaloux induit le caractère ombrageux d’un Soleil offusqué par la riche abondance d’un royal sujet. Jeux de ballet et musique baroque recréent le cadre des fastes du XVIIe siècle dans une jolie scénographie rappelant les jardins de Lenôtre.
Il est certain que cette pièce ne fait pas partie du registre le plus célèbre de Molière. Sa portée politique quelque peu subliminale retient notre attention par les contre-feux allumés par Molière pour assoir le clacissisme d’une monarchie absolue souhaitant se défaire de l’esprit baroque issu des Lumières. Si les fâcheuses et les fâcheux se succèdent, il convient de souligner la modernité du discours qu’animent Orante et Orphise. La première tient pour une relation sentimentale dans le respect de sa personne alors qu’Orphise souhaite un amant jaloux remportant ainsi la preuve indéfectible de son amour. Ce débat sur le respect et la place de la femme dans notre société actuelle monopolise un débat qui se posait déjà il y a près de 400 ans. Saluons les comédiens pour ce merveilleux travail en nous ramenant au siècle du roi soleil imprégné par cette musique baroque qui enjolive les chorégraphies de Jehanne Baraston et de Pierre-François Dollé sous la houlette d’Adeline Caron. Ce beau travail d’ensemble relève d’une composition marquée par la finesse, la beauté et l’érudition de sa metteuse en scène qui, lors de ces fêtes nocturnes, nous a émerveillé.
Laurent Schteiner
Les Fâcheux de Molière
Mise en scène de Julia de Gasquet
avec Thomas Cousseau (Lysandre, Alcandre, Alcippe, Dorante, Caritidès, Ormin, Damis), Julia de Gasquet (Orante), Adrien Michaux (Eraste), Alexandre Michaud (La Montagne, Filinte), Mélanie Traversier (Orphise), et la voix de François Marthouret
Danseurs : Jehanne Baraston et Pierre-François Dollé (en alternance avec Akiko Veaux du 11 au 26 juillet et le 6 aout)
Musiciens : Lena Torre (Basse de violon, violoncelle piccolo en alternance avec Sumiko Hara du 15 au 20 aout), Julien Rincon (flûte à bec et basson baroque en alternance avec Felipe Jones du 20 au 22 juillet, les 5 et 6 aout et du 15 au 20 aout), Danican Papasergio (au violon baroque)
- Dramaturgie : Marie Bouhaïk-Gironès (chercheuse et spécialiste des théâtres anciens)
- Scénographie : Adeline Caron
- Direction musicale : Anne Préjus, chercheuse et musicologue, éditrice de la pièce dans la bibliothèque de la Pléiade)
- Création Lumière : Nathalie Perrier
- Costumes : Julia Brochier
- Maquillages : Mathilde Benmoussa
- Son : Antoine Bouhaïk
- régie générale : Gaëtan Besnard
- Administration et production : Danièle Gironès
- Stage d’assistanat à la mise en scène : Alexia Rampinelli
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