Théâtre : Avignon 2022 – « Une opérette à Ravensbrück » de Germaine Tillion

Le théâtre du chien qui fume présente actuellement Une opérette à Ravensbrück de Germaine Tillion. Oser écrire une opérette dans un camp de concentration relève de la gageure par la sacralité entourant le Shoah. Mais cette opérette a une histoire, celle de Germaine Tillion qui a créé ce texte dans le camp de Ravensbrück attendant désespérément la libération. Cette opérette, conçue pour redonner espoir à ses camarades en se jouant de leur propre tragédie, distille un récit musical grotesque et salutaire.

Germaine Tillion fut déportée le 21 octobre 1943pour faits de résistance. En octobre 1944 alors qu’il était interdit d’écrire, conçut le projet de créer une opérette pour donner de l’espoir à ses camarades détenues. Elle rédigea une opérette-revue « le Verfügbar aux enfers ». Ce vocable allemand désignait la femme corvéable à souhait exclusivement dévolue aux travaux les plus pénibles. Pensée comme une conférence d’un naturaliste nazi sur ces « Verfügbar », un sujet « passionnant » d’études à l’instar de ce que fut l’exposition de 1941 sur « le juif et la France ».

Sur des airs connus de toutes, d’oeuvres classiques, de publicité ou de chansons populaires, les chansons créées par Germaine Tillion inspirent des chorégraphies décrivant les taches pénibles de ces femmes internées à l’aspect squelettique. De l’atelier de tri des affaires des déportées gazés aux travaux de terrassement, elles chantent et dansent leur malheur transcendant un absurde salvateur imprimant ainsi un instinct de survie. Des pendrillons éclairés et quelques gradins suffisent à installer cette revue qui sera, dans les faites, inachevée. Les comédiennes chanteuses et danseuses assurent un très beau spectacle donnant à ce texte de très belles lettres de noblesse. Plus que jamais l’art fleure bon la liberté.

Laurent Schteiner