En aparté : Denis Lecat
Denis Lecat, directeur artistique du Festival Humour et eau salée nous présente cette nouvelle édition qui se déroulera  du 30 juillet au 3 aout 2022 à Saint George-de-Didonne. Denis Lecat revient sur les différents aspects de cette 37 édition.
Cette nouvelle édition se déroule entre le 3à Juillet et le 3 aout 2022, resserrée sur 4 jours. Pourquoi la ville de Saint Georges-de-didonne a souhaité réduire la durée du Festival ?
On ne le sait pas vraiment. Il s’agit d’une décision qui nous est tombée dessus ! Donc, 4 jours dans l’espace public de la ville mais il aura lieu sur 5 jours puisqu’il y aura un spectacle le mercredi soir dans la salle salle bleue et également un spectacle dans la ville d’à -côté à Meschers.
Cette réduction est-elle liée à un souci budgétaire ?
Non, le budget est le même. La ville n’est pas commanditaire du projet, elle ne peut que nous autoriser à utiliser l’espace public ou pas. La décision a été de nous autoriser à utiliser l’espace public pendant 4 jours. Etant association, notre budget n’a pas diminué même si les aides techniques de la ville ont été un peu en retrait.
Par souci d’organisation ?
On ne sait pas. On a fait une réunion avec eux. Le Maire a exigé cette durée… Point final ! C’est une contrainte imposée par la ville qui a une implication très concrète sur le Festival puisqu’elle va générer une multiplication de présences techniques, les techniciens ne pouvant pas se dédoubler. Par ailleurs, ça densifie les spectacles. Il y a autant de spectacles qu’auparavant mais dans une proposition plus dense pour le spectateur.
Oui mais plus compliqué. Comme savoir où aller, que voir ? Il peut y avoir un peu moins de public. On risque d’assister à une forme de démobilisation ?Â
C’est un risque. Mais cela peut être l’inverse. Il peut y avoir un effet de loupe avec l’idée de choisir cet événement car sur une journée, il y a davantage de propositions. Il est clair que cela change l’ADN du Festival. Auparavant on proposait un Festival sur une semaine dilettante correspondant à une semaine de location de vacances. On proposait aux extérieurs ou aux locaux de venir et d’alterner les glaces, les promenades, les baignades et les spectacles. Ainsi la formule est de participer à ce Festival pendant 4 jours et se reposer 3 jours.
Il est certain que la Mairie prendra ses responsabilités si la manne financière s’avèrera moindre.
Il y a là un manque d’intérêt patent pour le Festival.Â
Vous aurez sans doute au vu des chiffres de l’année passée une vision éclairée sur l’impact de fréquentation de cette édition ?
Oui et non car 2021 était aussi une année particulière où on a du vivre avec le Pass Sanitaire, une réorganisation une semaine précédent le coup d’envoi de l’ensemble du Festival sur le Stade. L’année 2020, on était en période COVID. Si on voulait établir une comparaison, il faudrait le faire avec les chiffres de 2019.
Dans ce prolongement, êtes-vous optimiste pour 2023 ?Â
Je n’en sais rien. Je pense que les moyens pour organiser ce Festival sont trop faibles. Il y a un manque cruel de ressources qui fragilisent sa pérennité. Les moyens ont encore baissé cette année de la part de la ville sur les ressources techniques. Je crois qu’à un certain moment, il ne sera plus possible d’imaginer un Festival peut-être sous la forme d’événements.
Quelles ont été les difficultés auxquelles vous avez été confrontées ?
La dernière des difficultés en date est l’annulation de 4 représentations parce que le marionnettiste de la Compagnie Anonima theatro, qui devait être une compagnie fil rouge, s’est fait une double fracture. On a dû le remplacer par 2 spectacles de 2 compagnies du théâtre du Vide-Poches. Nous ne pourrons pas tirer le feu d’artifice pour des raisons liées à des risques d’incendies sévères, dues à la canicule. La difficulté est de n’avoir d’aucune idée sur le retour du public sur l’augmentation des couts de transport, les coûts du papier, (le papier a augmenté de 80% !). L’augmentation des coûts et la baisse de fréquentation nous conduisent en pleine névrose ! Si on baisse la voilure, dans ce cas la fréquentation chute et les subventions diminuent. Si on augmente la voilure, on prend des risques mais, en même temps, on n’a pas les moyens de prendre un risque trop important. On essaye de faire le festival le plus honnêtement possible en notre âme et conscience. Nous avons une belle programmation. Ce sera sûrement le moment de réfléchir à un tournant. Est-ce que le Festival reste sous cette forme avec cette double thématique, avec cette « potacherie » ?
Cette année la thématique est Marionnettes et trucs bizarres mais pas forcément ensemble. Ne craignez-vous pas sur la base de cette double thématique perdre à la longue le public ou a contrario fidéliser un public autour de ce concept ?
L’esprit de l’association Créa est d’attiser la curiosité. En créant une appétence pour la curiosité, cela ne peut pas nuire, bien au contraire. chaque année on va découvrir des choses nouvelles. Il y a des spectacles de marionnettes, des spectacles de trucs bizarres, des spectacles qui mélangent les deux ou qui n’on rien à voir. Pour ces derniers, si on a fait les mauvais choix, on les assume. On ne se privera jamais d’un très bon spectacle même s’il est sans rapport avec la thématique. En revanche s’obliger à la contrainte, c’est s’obliger à développer une forme de créativité. Et on ne s’appelle pas Créa sans défendre une idée de la créativité.
Comment les spectacles ont été sélectionnés ?
J’y prends part en même temps que de collègues ou des rabatteurs pour avoir des avis sur certains spectacles. Par exemple, le spectacle de clôture de Laura Elko m’a été fortement conseillé par des collègues de la fédération du Festival d’humour à la lisière entre le one woman show et le spectacle de marionnettes. De surcroit, elle est ventriloque. Ce n’est pas un spectacle que je serai allé voir naturellement. Je n’en avais pas entendu parlé. Mais là avec notre thématique, elle entrait clairement dans la programmation. C’était le spectacle idéal, proposé en clôture. Les avis de mes collègues ont été précieux pour connaitre des spectacles qui se trouvent toujours à la lisière entre leur discipline et l’humour.
Si vous pouviez vous projeter en 2023, quel serait votre rêve ?
Le budget ! (rires). Il faudrait disposer de plus de temps pour imaginer d’autres événements potaches, des partenariats, avoir une grande scène sur la place, pouvoir attirer un public plus nombreux. Mais on ressent vraiment cette année le poids du monde, à la fois le réchauffement climatique, la guerre en Ukraine et la hausse des prix globale sans oublier la pandémie mondiale. Jamais le poids du monde n’a été si lourd sur les épaules du local. Il y a nécessité à réinventer du « vivant ensemble », une joie de vivre collective.
Pensez-vous que cet ensemble de contraintes extérieures ont influencé la décision de la Mairie ?Â
La culture est la première chose qu’on n’oublie en temps de crise. Malheureusement, c’est ce qui a de plus essentiel. Et c’est bien pour cela qu’il y a autant de monde qui fréquente les psychanalystes et les psychologues à l’heure actuelle. On oublie de faire de l’humanité et le monde perd tout son sens.
Propos recueillis par Laurent Schteiner