Théâtre : « Jours de joies » de Arne Lygre
Stéphane Braunchweig a adapté l’oeuvre d’Arne Lygre, Jours de joie, présentée actuellement au théâtre de l’Odéon. Cette pièce, qui flirte avec l’introspection intime des êtres, explore dans sa globalité un déroulé existentiel qui s’avère toujours frustrant. Arne Lygre en disséquant cette séquence nous renvoie à nos jugements et nos tentatives d’escamotage. Une oeuvre riche qui rappelle l’écriture de Tchekhov en illustrant sans concession notre peur de la rupture.
La peur du changement avec son cortège de ruptures consacre pour partie cette pièce d’Arne Lygre. Conçu dans sa choralité, ce spectacle présente deux versants que peuplent 8 personnages dans chaque espace. Une présentation de chacun des personnages à la 3e personne du singulier induit une universalité des sentiments. Chaque groupe d’êtres constitue un paysage particulier. Le premier est situé en extérieur près d’un cimetière, un endroit calme où règne la sérénité. Une mère converse avec sa fille, en attendant la venue de son fils, chacune enfermée dans un faisceau de sentiments exacerbés. Puis, des individus se présentent à eux avec leur cortège de sentiments banals et paradoxalement angoissants. Une rupture sentimentale ou encore un deuil. Enfin survient, le fils attendu qui avertit ses proches de son intention de disparaitre, de couper les ponts avec son passé pour mieux renaitre.
Puis la pièce bascule comme un jeu de miroirs dans un intérieur où l’ami du disparu cherche en vain des réponses qui lui sont absconses Sa famille recomposée tente également de comprendre cette disparition. Les jours de joie se sont évanouis. La joie se situait en amont dans un passé lointain. La rupture a brisé ce charme bienheureux. Mais coûte que coûte, il faut faire en sorte d’être heureux afin de lutter contre une dépression toujours prête à nous assaillir.
Dans cette oeuvre, Arne Lygre met en exergue la peur du changement, l’angoisse d’une rupture. Chacun imaginant se cramponner à un passé où tout était mieux. Le saut dans l’inconnu terrifie. Cette renaissance signifiée par cette disparition témoigne de cet espoir de retrouver des jours heureux, de nouveaux jours de joie. Ce spectacle aux résonances multiples rebat les cartes de nos paysages assis sur la routine sécuritaire. Le changement traduit la peur, balayant certitudes et sécurité. Arne Lygre met en perspective cette problématique sociétale avec acuité et non sans quelque humour. Stéphane Braunchweig impose un faux rythme rappelant l’univers de Tchekhov sur deux plans, comme les deux versants d’une montagne. Et le résultat est magnifique. Saluons le travail remarquable de ces comédiens sur un sujet aussi exigeant que pertinent.
Laurent Schteiner
Jours de joie de Arne Lygre
Traduction de Stéphane Braunschweig et Astrid Schenka
Mise en scène de Stéphane Braunchweig
avec Virginie Colemyn, Cécile Coustillac, Alexandre Pallu, Pierre Pathier, Lamya Regragui Muzio, Chloé Réjon, Grégoire Technakian et Jean-Pierre Vidal
- Collaboration artistique : Anne-Françoise BenhamouÂ
- Scénographie : Stéphane Braunschweig
- Collaboration artistique à la scénographie : Alexandre de Partel
- Costumes : Thibault Vancraenenbroeck
- Lumière : Marion Hewlett
- Son : Xavier Jacquot
- Maquillages / coiffures : Emilie Vuez
- assistante à la mise en scène : Clémentine Vignais
- réalisation du décor : Atelier de l’Odéon-Théâtre de l’Europe
- copyright : Simon Gosselin
Théâtre de l’Odéon – Théâtre de l’Europe
jusqu’au 14 octobre 2022 Ã 20hÂ
Odéon 6e