Théâtre : « Je m’appelle Bashir Lazhar » d’Evelyne de la Chenelière au Lucernaire
Le Lucernaire met actuellement à l’honneur un seul en scène très réussi et riche en émotions d’Evelyne de la Chenelière. Ce spectacle empreint d’humanité et d’amour, mis en scène par Thomas Coste, explore les grandes questions qui traversent notre société. La plume d’Evelyne de Chenelière confère à l’intime le soin de dresser le constat d’une société devenue sourde aux appels pressants et désespérés de l’extérieur.Â
Bashir Lazhar, contraint financièrement de quitter sa famille et son pays, l’Algérie, se retrouve en France, à la recherche d’un emploi d’enseignant. Suite au décès d’une enseignante de français survenu dans un établissement scolaire, Bashir Lazhar postule à ce poste désormais vacant. Cet homme, qui a vécu un drame familial épouvantable, tente de se reconstruire, en se jetant à corps perdu dans l’enseignement. Toute la culture de son pays transparait en rejaillissant par capillarité sur tout son être : de sa veste trop petite à son accent particulier jusqu’à sa vision personnelle de l’éducation. A ce titre, l’autrice tance les clichés et les stéréotypes qui permettent de stigmatiser l’autre, l’étranger, l’arabe. En déficit d’amour et d’affection, Bashir se plait à enseigner découvrant, auprès de ces élèves du CM2, une humanité et une confiance qu’il ne peut désormais plus trouver ailleurs. Dans une société sourde à toute forme d’altruisme et recroquevillée sur elle-même, il fera les frais de cet autisme culturel qui achèvera de le dévaster.
En écrivant cette fable sur la déshérence de l’humanité au sein de notre société, Evelyne de Chenelière appuie là où le bat blesse. Mais elle le fait avec drôlerie et sensibilité. Soulevant les manques de l’Education Nationale, elle se penche sur la situation des enseignants étrangers venus de contrées décimées par la guerre ou à genoux financièrement. A travers ce spectacle, elle engage une réflexion courageuse et forte sur des sujets tabous que notre société s’empresse de glisser sous le tapis. Ce faisant, l’autrice stigmatise ces comportements primaires présents à tous les niveaux de notre société.
Thomas Drelon, qui incarne Bashir Lazhar est incroyable de véracité. Sa sincérité frise une belle sensibilité lui permettant d’endosser les habits de son personnage taillés sur mesure. Totalement investi dans la mise à nu de son personnage, il est touchant à souhait jouant sur son décalage cultuel avec humour et sensibilité. Ce spectacle est un vrai bijou qu’il convient de ne pas rater.
Laurent Schteiner
JE M’APPELLE BASHIR LAZHAR d’Evelyne de ChenelièreÂ
Mise en scène de Thomas Coste
avec Thomas Drelon
Lumières : Patrick Touzard
Mentions crédit photos : Les Béliers
Lucernaire
53 rue ND des Champs
75006 Paris
Lucernaire.fr
Tel : 01 45 44 57 34
Jusqu’au 9 avril 2023 à 19h du mardi au samedi, dimanche à 15h30
J’ai vu la pièce il y a quelques années dans la salle des fêtes d’un petit village Mouterre-Silly. J’ai été fasciné par elle et le jeu de l’acteur au point de me procurer le texte et de le lire avec passion. Si vous avez l’occasion à ne louper sous aucun prétexte.