Théâtre : « On ne paie pas ! On ne paie pas ! » de Dario Fo et Franca Rame à la Tempête

Le théâtre de la Tempête met à l’honneur une pièce truculente de Dario Fo et de Franca Rame, On ne paie pas ! On ne paie pas !. Faisant pièce au courant néo-réalisme, cette pièce, ressuscite l’esprit des grandes comédies italiennes, sur fond de crise économique et sociale. Bernard Levy a joliment mis en scène cette farce burlesque, à l’inspiration « féllinienne », et dont la projection dans le cadre contextuel actuel est proprement déconcertant. 

La crise fait rage et des femmes, ulcérées devant la flambée des prix, amorcent une révolte dans un supermarché. Antonia refuse même de passer à la caisse en profitant pour chaparder ce qu’elle peut. De la boite de pâté pour chiens au millet pour canaris, elle dérobe tout ce qui lui passe par la main. Mais ou cacher ce butin d’autant que son mari, ouvrier, est très pointilleux sur la probité ? Un jeu de quiproquos dignes des comédies à l’italienne s’engage dans une course poursuite avec la maréchaussée. Les références théâtrales et cinématographiques ne manquent pas pour qualifier cette oeuvre burlesque (de Feydeau aux films de Laurel et Hardy ou encore du cinéma italien de Dino Risi et de Roberto Benigni…)

La traduction et l’adaptation de cette pièce de Toni Cecchino et de Nicole Colchat s’inscrivent dans le concert de notre actualité pressante. Le rapprochement en est saisissant. Originellement écrite sur la base des luttes ouvrières qui se sont déroulées en 1974 à Milan, cette satyre politique avait déjà mise à jour avec la prise en compte de la crise des Subprimes survenue en 2008.

Il est toujours pertinent de se servir du rire, alliant le grotesque, pour dénoncer plus férocement une politique économique qui étouffe les classes sociales. Il faut reconnaitre la justesse du propos de Dario Fo et de Franca Rame dans cette comédie à double fond. Par ailleurs, les comédiens sont excellents dans une scénographie qui vacille à l’instar de la vie de leurs personnages. Cette pièce qui n’engendre pas la mélancolie est condamnée à demeurer malheureusement indémodable compte tenu de la cohorte de crises qui jalonnent l’évolution libérale de nos sociétés.

« Nous sommes sous-payés, donc nous ne payerons pas ! Sous-payés, on ne paie pas ! Et ça, c’est pour tout l’argent que vous nous avez volé depuis des années sur tout ce qu’on achète ! »

Laurent Schteiner