Théâtre : « La Tempête » de William Shakespeare à la Huchette

Le théâtre de la Huchette nous propose actuellement une nouvelle adaptation de Shakespeare, La Tempête. Fruit d’une commande de Franck Desmedt à Emmanuel Besnault, ce spectacle a vu le jour à partir de la traduction inédite d’Eric Sarner. Ce projet fou impossible à concevoir, sur la plus petite scène de théâtre de Paris, s’avère être une pleine et entière réussite. 

Le duc de Milan, Propspéro,  après avoir été évincé du pouvoir et exilé par son frère, se retrouve avec sa fille Miranda sur une île déserte. Grâce à la magie que lui confèrent ses livres, il dispose des éléments naturels et des esprits. A cet effet, Ariel, un esprit positif de l’air et du souffle de vie ainsi que Caliban, le négatif d’Ariel symbolisant la terre, la violence et la mort, lui sont attachés telles des âmes damnées.

Le spectacle s’ouvre avec des effets sonores et des tentures qui représentent la tempête en cours sur une mer déchainée. Ariel tient en te ses mains la destinée des hères qui naviguent dans cette mer démontée. Le roi de Naples, son fils Ferdinand ainsi qu’Antonio, le frère parjure de Prospero se retrouvent sur cette ile presque déserte. Usant de sorcellerie, Prospero joue avec ces trois protagonistes pour leur faire payer leur traitrise. Mais en fin de compte, Prospero se montera magnanime et se réconciliera avec son frère et le roi. Il regagnera son duché en renonçant à la magie. Ce faisant il mariera sa fille Miranda à Ferdinand.

Cette pièce axée sur les rapports entre Miranda et Prospero se traduit par une liberté de parole laissée à la jeune fille afin de permettre davantage de liant et de libre-arbitre dans sa relation avec Ferdinand. Ariel et Caliban, souvent vus comme les enfants naturels des peuples primitifs, deviennent les témoins ballotés des humeurs des colons, et notamment ici Prospero.

Créer un tel spectacle même resserrée sur 75 mn avec cette qualité et cette intensité et avec trois comédiens remarquables est loin d’être une gageure. Le succès est à mettre au crédit d’Emmanuel Besnault qui a réussi un coup de maître en la circonstance. Saluons les performances de Marion Préïté et d’Ethan Oliel qui incarnent respectivement chacun trois personnages aux antipodes les uns des autres. Une réserve est toutefois à relever concernant la création musicale qui jure par sa dissonance avec le reste du spectacle. Cependant, ce spectacle d’Emmanuel Besnault est à plébisciter tant pour son audace que par sa qualité intrinsèque.

Laurent Schteiner