Festival Avignon : Rentrée 42, « Bienvenue les enfants ! » de Pierre Olivier Scotto

Le théâtre de la Luna nous présente actuellement une page peu reluisante de notre histoire, celle de la rafle du Vel d’Hiv intervenue à Paris entre le 17 et 18 juillet 1942. Rentrée 42, « Bienvenue les enfants ! » de Pierre Olivier Scotto, apporte un témoignage vibrant et émouvant de cette triste période. La mise en scène de Xavier Lemaire contextualise la France de 1942 avec une belle réussite, en portant une dramaturgie qui étreint le public par son souffle.

Le 1er octobre 1942, à l’école élémentaire des filles Victor Hugo du XIe arrondissement de Paris, tout est en place pour recevoir les élèves. Après avoir obtenu non sans mal la liste des élèves, Gisèle Leblanc, la directrice convoque les maitresses en charge de l’établissement. Les maîtresses disposent toutes d’une personnalité clairement identifiée traduisant la France des collabos et celle qui rejette le joug de Pétain vendu aux nazis. Suzy Courcelles, une jeune et jolie institutrice, ayant effectuée ses études à l’université, admire Pétain. Elle est accompagnée de Lucienne Tati, une femme naïve qui aime par dessus tout son métier et qui s’inscrit dans le courant vichyste. Enfin, Monique Ricou, communiste engagée qui abhorre et vomit le régime de Vichy. A la rentrée, le compte n’y est pas. C’est la stupeur ! Sur les 123 élèves attendues, seules 16 sont présentes. L’ombre du Vel d’hiv plane sur l’école. Dans ce huis clos, de violentes querelles intestines éclatent entre ces femmes qui constituent un éventail composite de la France de l’époque. L’annonce de la visite d’un inspecteur, M. Person jette le trouble et l’émoi dans cette petite communauté. La complicité de M. Adolphe Bastien, ancien combattant de la grande guerre et gardien de l’école sera d’un concours précieux pour faire face à cette menace…

A mesure que la dramaturgie évolue, la tension monte en se traduisant par un suspense insoutenable. Quelques scènes cocasses apportent une respiration nécessaire à la tristesse concédée à cette rafle orchestrée par la police française ayant permis la déportation et l’assassinat de plus de 4.100 enfants. L’interprétation, juste magnifique, de ces comédiens nous permet de nous immerger dans l’horreur de cette année 1942. La scénographie d’une salle de classe de cette période ajoute à la véracité du propos. Soulignons la force de ce sujet où il y aura un avant et un après. Ce spectacle qui baigne dans la grande histoire est incontournable pour qui souhaite se saisir d’une vérité écrasante et criante où la lâcheté d’une certaine France a permis cette monstruosité.

Laurent Schteiner