Festival Avignon : « Le Président » de Pierre Brunet

Le Théâtre de la Reine Blanche nous présente actuellement un spectacle passionnant de Pierre Brunet, Le Président. Ce spectacle éminemment politique et très abouti interroge l’essence même de la politique. Est-elle un métier du spectacle ? La mise en abime très réaliste de Roland Guénoun prend appui sur l’actualité afin d’apporter quelque élément de réponse. Sa mise en scène réglée au cordeau témoigne d’une efficacité redoutable.   

En 1977, Roger-Gérard Schwartzenberg explorait déjà cette thématique dans son ouvrage L’état spectacle. Les années ont passé et une floraison de comédiens se sont épris de politique jusqu’à leur arrivée au pouvoir. Les multiples exemples en témoignent : de Ronald Reagan, Arnold Schwartzenegger, Donald Trump, Beppe Grillo, Jon Gnarr en Islande, Marjan Sarec en Solvénie et la tentative de Coluche en France…

Cette pièce, véritable OVNI théâtral, narre l’ascension au pouvoir d’un comique qui, en son temps, avait incarné ce personnage pour la télévision. La figure de Vloldymyr Zelenski vient immédiatement à l’esprit du spectateur. Elu sur la base d’un programme privilégiant la lutte contre la corruption, affirmant l’honnêteté et l’intégrité de son pays, son discours travaillé et retravaillé l’oblige à habiter totalement son personnage. Au-delà de cette incarnation, la sincérité guide ses pas. Dans le conflit qui l’oppose avec son grand voisin, il lui faut gagner la guerre de la communication. Il dispose de toutes les qualités requises en la matière. Se mettant en scène, il n’hésite pas à dramatiser certains séquences afin de gagner la bataille de l’opinion. Peu avant le déclenchement du conflit, sa cote de popularité était en plus bas. Le mensonge devient donc un allié précieux afin de défendre la liberté. « Je suis un mensonge qui dit toujours la vérité » (Jean Cocteau. « Le Menteur »). 

Outre la qualité intrinsèque du texte de Pierre Brunet, il convient de saluer l’intelligence de la mise en scène de Roland Guenoun qui rythme l’ascension et la transformation d’un saltimbanque en un homme politique providentiel. Saluons la très belle performance de Matila Malliarakis qui habite totalement son personnage avec un grand sens du réalisme. Ce spectacle fait partie de nos coups de coeur de ce festival.

Laurent Schteiner