Théâtre : « Le mythe de Sisyphe » d’après Albert Camus
Le Lavoir Moderne Parisien nous propose actuellement un spectacle hors-normes, Le mythe de Sisyphe d’Albert Camus. L’adaptation de cette oeuvre sur scène allie la philosophie dans une forme de théâtralité étonnante. Synthétiser la pensée de Camus au théâtre est loin d’être une gageure pour Pierre Martot qui réalise une interprétation remarquable. Pour la première fois au théâtre, le mythe de Sisyphe, constitue une magnifique réussite.
Pierre Martot, souverain sur scène, nous fait entrer progressivement dans l’univers de Camus. Il revêt ses habits pour nous initier, nous sensibiliser à nous-mêmes. Il nous ouvre l’esprit, inondant notre conscience d’une philosophie existentielle qui frappe notre conscience de plein fouet. Mais effaçons-nous plutôt devant l’oeuvre et son incarnation théâtrale, celle de Pierre Martot.
A travers le mythe de Sisyphe, Camus sonde le sens de la vie. Cette question essentielle hante chaque mortel qui se perd dans un dédale de questions. Pris dans la toile d’araignée du temps, il imagine sa fin prochaine à travers une comptabilité morbide, voire sanglante. Il n’arrive pas à se départir de cette étrangeté de l’existence qui l’assaille. Afin de faire face à ce décompte mathématique, l’homme perdu tente de se rassurer en essayant de comprendre d’où il vient. Mais très vite, il se heurte à l’opacité d’un monde irrationnel qui lui échappe. Un tourbillon vertigineux d’hypothèses s’empare de lui. Cette confrontation constitue cet absurde que définit justement Camus. Cette absence totale d’espoir fait le lit de cet état d’absurde qui est nécessaire à toute existence. Si l’homme perçoit ses limites, il n’en est pas moins libre paradoxalement.
Plus que jamais, l’acteur remplit son office en valorisant l’absurde. Ses rôles incarnés qui vivent et meurent dans un court moment de théâtralité. L’apparence devient reine de l’absurde. Camus a choisi son camp, celle de l’éphémère, celle de l’homme. Mais comment qualifier la création ? Le bonheur métaphysique soutient l’absurdité du monde. La religion s’en est fait l’écho et l’Art l’a rejoint. Il ne s’agit plus d’expliquer et de résoudre mais d’éprouver et de décrire. Les limites sont ainsi posées. Camus parachève son oeuvre en s’appuyant sur le mythe de Sisyphe, cet homme condamné par les dieux à rouler un rocher en haut d’une montagne qui redescend aussitôt. Face à ce mouvement perpétuel, Camus met en avant cette pause propice à l’homme qui célèbre l’absurdité où l’homme est libre. Si la douleur est ressentie, alors le rocher a gagné. Dans le cas contraire, on peut dire que Sisyphe est heureux.
L’interprétation magistrale de Pierre Martot célèbre avec une pleine réussite ce mariage du théâtre et de la philosophie. En mettant Camus à l’honneur, il nous convie à la découverte de notre propre psyché. Un moment d’intense plaisir !
Laurent Schteiner
« Le mythe de Sisyphe » d’après Albert Camus
Mise en scène de Pierre Martot
avec Pierre Martot
- adaptattion : Pierre Martot
- Collaboration artistique : Jean-claude Fall
- Assistanat : Basile Meilleurat
- Régie générale : Mathieu Rodride
- Crédit photo : Marie Hélène Le Ny
Lavoir Moderne Parisien
35 rue léon
75018 Paris
Tel : 0146 06 08 05
lavoirmoderneparisien.com
Jusqu’au 29 octobre 2023, 19h en semaine et 15h le dimanche
Tournée :
Moulin d’Andé le samedi 25 novembre à 19h