Théâtre : « Rêveries » de Juliet O’Brien

Dans le cadre des avant-premières préfigurant le Festival d’Avignon, il nous a été récemment proposé un spectacle de Juliet O’Brien, Rêveries. Ce spectacle construit sur la base de témoignages réalisés auprès d’un échantillon de population de tous âges sur la question suivante : quand vous étiez jeunes, à quoi rêviez-vous ? Est-ce que ces rêves se sont réalisés ? Sur ces questions cruciales qui touchent à l’intime, Juliet O’Brien s’est emparée de ces témoignages pour nous offrir un panel de réponses à travers un spectacle haut en couleurs reposant sur une frise chronologique. De facto, l’évolution des aspirations personnelles est avant tout  enracinée dans l’évolution de la société et des moeurs.  

En remontant le temps, la question que pose Juliet O’Brien, perd de sa force car l’amour du travail était au centre des préoccupations familiales. L’homme travaillait et la femme élevait leurs enfants. La notion de temps libre et de loisirs en étaient absentes. Puis de générations en générations, cette question s’est imposée au fur et à mesure que la société offrait davantage de temps libre et d’aspirations nouvelles. Les rêves pouvaient enfin exister, voire s’épanouir. Mais de cette possibilité, leur réalisation pouvait s’avérer implicitement compliquée. La transformation permanente de la société apportait son lot d’empêchements et l’écart constaté entre les rêves et leur réalisation était parfois patent. La philosophie s’invitait dans ce débat où les compromissions étaient parfois légion : faire contre mauvaise fortune, bon cÅ“ur. Plus la société se transformait et plus les rêveries s’imposaient avec force. Mais leur non-réalisation étaient parfois synonyme d’aigreur et de désenchantement.

Quatre comédiens sur scène nous présentent le parcours de trois générations tout au long du XXe siècle. Passant d’un personnage à l’autre avec aisance, ils croquent avec brio une galerie de portraits étonnants. Leur belle interprétation sous-tend une mise en scène fluide et efficace. En faisant oeuvre sociologique, Juliet O’Brien touche à l’intime en déroulant l’histoire de nos rêves au fil du temps. Plus que jamais, ces questions nous taraudent tel un bilan à réactualiser en permanence. Un spectacle universel où nos questionnements révèlent la profondeur de notre humanité. 

Laurent Schteiner