Toujours en quête de spectacles originaux, le Théâtre 13 nous propose d’assister à un conte extraordinaire d’Evgueni Schwartz « Le Dragon ». Doté d’une scénographie impressionnante et d’une distribution exemplaire c’est, après « Le porteur d’histoire », un nouveau coup de maître réalisé par ce théâtre dont nous apprécions tant les prises de risques.
Dans une ville sous le joug d’un terrible dragon Lancelot, valeureux chevalier blessé mortellement plusieurs fois, fait son apparition pour sauver les habitants de cette oppression. Après avoir séduit la jeune fille en détresse Elsa et terrasser le dragon d’une écrasante victoire, il meurt en pleine gloire. Les habitants, pourtant libres de nouveau, retombent aussitôt sous le coup d’une tyrannie cette fois exercée par le bourgmestre avide de pouvoir.
Il est toujours passionnant de découvrir ces textes qui ont connu en leur temps la censure et qui demeurent si actuels et totalement à propos. L’évidente personnification du dragon renvoie à ces années de Stalinisme subies par les Russes. Mais Schwartz ne s’arrête pas là , il ne se contente pas de simplement dénoncer un système totalitaire. En mettant en scène le règne du bourgmestre après la défaite du dragon, il pose la question de la responsabilité du citoyen dans sa propre oppression et met en exergue la passivité du peuple. C’est donc une vraie réflexion qu’il propose en décortiquant le mécanisme de la soumission et par extension il appelle le citoyen à s’éduquer à la liberté.
Le spectacle se distingue surtout par sa scénographie et sa direction d’acteur. Les comédiens évoluent sur un plateau double dont les plans sont séparés grâce à un voile transparent. Le décor et les costumes évoquant l’univers excentrique de Lewis Caroll confère à l’ensemble une atmosphère loufoque et festive. Ce ton est volontairement très présent dans le jeu des comédiens , particulièrement celui de Lancelot qui nous offre un anti-héros hilarant aux interventions décalées. On apprécie tout spécialement la prestation de Romain Cottard dans ce rôle phare qui semble avoir été taillé sur mesure pour lui. Philippe Spiteri se distingue également dans sa prestation de bourgmestre schizophrène et avide de pouvoir, il est tout simplement brillant ! Félicitons enfin Ludovic Ducasse pour sa performance entièrement muette de chat.
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Quelques effets spéciaux surprenants finalisent ce tableau original. La mise en scène fourmille de trouvailles extrêmement astucieuses comme la triple interprétation du dragon pour illustrer ses multiples têtes ou encore l’utilisation d’une longue écharpe rayée pour symboliser la queue du chat.
Une réussite en tous points qui marque un début de saison en beauté au Théâtre 13 !
Audrey Jean
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« Le Dragon » de Evgueni Schwartz
Mise en scène de Stéphane Douret
Avec : Anne Barbot, Catherine Bloch, Florent Cheippe, Cédric Colas, Romain Cottard, Alexandre Delawarde, Ludovic Ducasse, Etienne Durot, Jean-Paul Farré, Thomas Horeau, Tristan le Goff, Agathe L’huillier, Igor Mendjisky, Alexandra Naoum, Damien Rivalland, Benoît Séguin, Maïté Simoncini, Philippe Spiteri, Guillaume Veyre et Mathias Zakhar
Crédits Photos : Luc Pointereau
Du 13 Septembre au 28 Octobre
Les mardis, jeudis et samedis à 19H30
Les mercredis et vendredis à 20H30
Les dimanches à 15H30
Théâtre 13 / Seine
30 rue du Chevaleret
75013 Paris