La Compagnie des Dramaticules nous propose une nouvelle création et non des moindres puisqu’il s’agit de « Richard III » mise en scène par Jérémie Le Louët. Occultant volontairement certains aspects historiques de la pièce, il concentre son action sur l’ascension fulgurante et la chute de Richard dans une atmosphère glaçante qui sied particulièrement bien aux magnifiques volumes du Théâtre 13 côté Seine.
Richard le duc de Gloucester est un personnage aigri, moralement et physiquement difforme il ne pense qu’a étancher sa soif de gloire. Par son seul pouvoir de manipulation et son éloquence  il va ravir le pouvoir à ses frères, assassinant sans remords ceux qui se mettront sur sa route. Véritable mégalomane, il fait preuve de tant de séduction et de maîtrise que son accès au trône relève de la démonstration magistrale de monstruosité.
La puissance de cette création réside avant tout dans la scénographie de Blandine Vieillot. Le plateau aux volumes colossaux de la nouvelle salle du Théâtre 13 est assombri, plongé en permanence dans un clair-obscur funèbre. Les lumières toujours dans des tonalités froides ou bleutées permettent de définir l’espace au fil de la pièce. Les éléments de décor sont mobiles et contribuent ainsi à figurer la prison de Clarence ou le palais du roi Edouard. La seule couleur présente est le rouge, à l’image du sang versé sans scrupules par Richard pour arriver à ses fins. Ce rouge ressort d’autant plus qu’il n’est baigné que dans la lumière crue des néons. Félicitons également le très beau travail réalisé sur la bande son du spectacle qui finalise parfaitement cette atmosphère pesante.
Jérémie Le Louët endosse ici beaucoup de responsabilités puisqu’en plus de signer la mise en scène et l’adaptation du texte il campe avec maestria le rôle de Richard III. C’est évidemment autour de lui que tout se construit, c’est le mécanisme même de l’élévation au pouvoir d’un homme différent que Shakespeare décortique dans cette pièce. Au centre de ce mécanisme : la parole, l’intensité du verbe. C’est par le langage que Richard va parvenir à tout corrompre. Tout dans cette adaptation rend hommage à la poésie de Shakespeare, à son sens du texte. Comme pour mieux intensifier les mots, Jérémie Le Louët met en scène un micro dans lequel le personnage de Richard se livre sur ses états-d’âme. Au moyen d’un phrasé détaché il instaure ainsi de véritables suspens dans l’action de la pièce où le spectateur est hypnotisé par la voix de Richard, il a pris le pouvoir.Â
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Si la mise en scène fait preuve de belles trouvailles on regrette cependant quelques inégalités tant dans le rythme que dans l’interprétation des personnages. Certains seconds rôles semblent presque étouffés par l’aura magnétique de ce Richard. Que dire également de la décision de confier certains rôles féminins à des hommes ? Stéphane Mercoyrol fait pourtant preuve d’une prestation très honorable dans le rôle de Marguerite mais nous avons été moins convaincus par Julien Buchy dans le rôle de la duchesse. Ainsi au moment où l’émotion devrait être à son comble, le spectateur est maintenu à distance et ne parvient pas à totalement adhérer aux monologues pourtant poignants de ces femmes.
En résumé, le pari est audacieux et plutôt bien réussi mais il reste toutefois quelques réglages pour que cette adaptation soit aussi magistrale que son sujet.
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Audrey Jean
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« Richard III » de William Shakespeare
Mise en scène et adaptation de Jérémie Le Louët
Avec Julien Buchy, Anthony Courret, Jonathan Frajenberg, Noémie Guedj, Jérémie Le Louët, David Maison, Dominique Massat et Stéphane Mercoyrol
du 13 Novembre au 23 Décembre
Mardi, Jeudi et Samedi à 19H30
Mercredi et Vendredi à 20H30
Dimanche à 15H30
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Théâtre 13 / Seine
30 rue du Chevaleret
75013 Paris