Au théâtre Gérard Philippe se joue actuellement les Trois sœurs de Tchekhov, dans une mise en scène de Jean-Yves Ruf. Un très joli spectacle, plein d’humanité. Une magnifique distribution, avec des comédiens d’une grande justesse, évoluant dans un décor assez épuré.
Des jeunes femmes, trois sœurs, et leur frère orphelins depuis un an au début de la pièce, vivent dans la campagne russe. Leur quotidien est rythmé par les visites des militaires installés à proximité. Ces jeunes gens sont plein d’espoir, d’envie. Ils rêvent de retourner à Moscou, dont ils sont originaires, pensant ainsi se réaliser et chasser l’ennui de leur morne quotidien. Mais la pièce, qui se déroule en plusieurs années, n’a que pour seul héros le temps qui passe et vainc les espoirs de ces personnes.
La vie se montre aussi ironique que cruelle envers ces gens, leur apportant leur lot de déceptions –comme le mariage d’Andreï et Natacha ou celui de Macha et Kouliguine -et d’épreuves douloureuses, de désillusions. Et en dépit de tous ces malheurs, rester debout et continuer à vivre doit être l’objectif principal.
Mais la vie se charge même d’éloigner les trois sœurs les unes des autres, l’une étant prise dans son travail de directrice de lycée, l’autre dans son espérance d’être utile par son futur métier d’institutrice, l’autre encore se réfugiant dans une idylle adultère. Et puis leur belle-sœur, la femme d’Andreï prend petit à petit le contrôle de la maison, les chassant progressivement de chez elles. Pour preuve, avant l’arrivée de Natacha dans la famille, les personnages reçoivent dans leur salon. Puis au deuxième acte, les sœurs sont finalement recluses dans la chambre qu’Olga et Irina partagent, qui sert tout de même à recevoir les amis, et à la fin de la pièce, elles sont à l’extérieur de la maison, ne voulant plus y mettre les pieds, tant Natacha se l’’est appropriée ! Andreï, le mari de Natacha prend une autre forme de fuite, dans le jeu et l’alcool…
On pourrait croire, après avoir relaté certains événements, qu’avec tous ces ennuis l’ennui gagne aussi le spectateur. Mais pas du tout ! C’est du grand Tchekhov dirigé comme avec une partition, alternant des moments de réflexion, des moments de joie, des silences aussi. Et puis certains personnages savent prendre de la hauteur,  en se disant que « dans deux cents ou trois cents ans » ce sera mieux ! D’autres ont des manies les rendant touchants, humains et parfois très drôles.
Et au final, au cours de ce spectacle, on aura souvent oscillé entre l’envie de rire et de pleurer, d’espérer et de croire en de meilleurs lendemains comme Verchinine, on aura rêvé, partagé des souvenirs de cette famille grâce à des brèves projections et, plus que tout, on aura passé un très joli moment avec les Trois sœurs.
Anna YORKA
Les Trois soeurs de Tchekhov
Mise en scène Jean-Yves Ruf
Traduction André Markowicz et Françoise Morvan
Avec
Géraldine Dupla (Olga), Lola Felouzis (Macha), Elissa Alloula (Irina), Pierre Yvon (Andreï), Sarah Pasquier (Natacha), Christophe Brault (Verchinine), Antonio Troilo (Touzenbach), Francis Freyburger (Tcheboutikine), Lise Visinand (Anfissa), Pierre-Yves Poudou (Rodé), André Pomarat (Feraponte), Thomas Mardell (Saliony), Gaël Chaillat (Kouliguine), Pascal D’Amato (Fedotik)
- Lumières : Christian Dubet
- Son : Jean-Damien Ratel
- Scénographie : Laure Pichat
- Costumes : Claudia Jenatsch
- Vidéo : Thierry Aveline
- Assistanat à la mise en scène : Anaïs de Courson
- © Alexandre Schlub
INFORMATIONS PRATIQUES
Théâtre Gérard Philippe
59 boulevard Jules Guesde 93200 Saint Denis