Léonora Miano s’inscrit dans la lignée des auteurs dont le mode de pensée de la condition noire interpelle par son approche de l’intime. Délaissant une vision du corps et du mouvement, elle se penche avec bonheur sur l’individualité des populations. A la recherche de textes d’auteurs afro descendants où la parole est à la fois « transgressive et porteuse d’outils de compréhension de soi-même », elle nous offre un prolongement avec sa première pièce de théâtre. A travers cette œuvre, elle consacre la présence noire dans la France d’aujourd’hui. Ayant pour base de départ des histoires personnelles, elle se propose de faire saillir l’individualité en interrogeant l’impact de la grande histoire sur la petite.
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La parole de Léonora Miano est subtile et profonde. A chaque page, elle nous force à regarder plus en avant telle ou telle problématique, dénonçant les non-sens, les idées reçues et les aprioris, elle nous engage sur la voie de la remise en question. Elle nous fournit tous les outils nécessaires à un recul nécessaire tant sur les grands courants de l’histoire que sur la constitution de l’identité noire en France. La lecture de cet ouvrage force l’admiration car son regard est objectif et dénué de passion. Il nous pousse à une réflexion salvatrice dont on ne peut s’y soustraire sans malaise.
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Si le rêve est conçu comme un exutoire afin d’échapper à l’acceptation de la condition noire, il ne peut continuer à se traduire dans ces termes. Etre noir est de l’ordre de la mémoire et non de la catégorie biologique naturelle. Ce raisonnement nous propose une appréhension originale et tellement juste de cette problématique.
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« Le plus terrible pour les vaincus, ce n’est pas les vaincus, ce n’est pas la défaite… c’est devoir accepter l’idée que leurs aïeux aient été massacrés… par des menteurs… sans le moindre scrupule même quand ils parlaient du Christ mais enfin ils ne pouvaient être plus grands que ceux qu’ils ont engendrés… Le plus terrible, pour la descendance des vaincus, ce n’est pas tant la défaite, c’est d’avoir été piétines pour rien. »
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Léonora Miano appréhende dans cette œuvre toute la complexité de la communauté. Elle y exprime sa teneur, sa valeur et toute l’ambigüité qui s’en dégage. Mais au-delà de l’aspect analytique, elle se prête à une étude des femmes noires en France. Elle nous guide dans un examen complet dans des rapports culturels entre ces femmes noires dans la société. Le fruit de son observation est proprement savoureux.
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Cet ouvrage complet et sans concession brille par capillarité tant il dégage de points de réflexion et de remise en cause de soi. Léonora Miano s’impose d’ores et déjà comme une auteure à part entière qui réussit de fort belle façon son entrée dans le monde du théâtre.
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Laurent Schteiner
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Ecrits pour la parole de Léonora Miano
12 €
ISBNÂ : 978-2-85181-773-0
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L’Arche éditeur
86 rue Bonaparte
75006 Paris
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