Suzanne Lebeau signe un nouveau texte pour la jeunesse aux éditions Théâtrales « Trois petites sÅ“urs ». Retraçant le parcours d’une famille face à la maladie infantile, l’auteure québécoise observe ainsi en face le tabou ultime de la mort chez l’enfant. Le récit polyphonique croise les points de vue de tous les membres de la famille frappée de plein fouet par la violence indicible de cette épreuve. Un texte dont la charge émotionnelle est d’une puissance rare doublé, comme toujours chez Suzanne Lebeau, d’un sens affuté de la pédagogie.
« Alice : Ils sont là , avec moi, les personnages de l’histoire. Je les laisse se présenter eux-mêmes. Ça ils peuvent le faire. Ils peuvent raconter…aussi…Mais si je les laisse seuls, tous les quatre, ils ne pourront pas dire le plus important. Il faut du temps, beaucoup de temps pour trouver les bons mots et les bons silences. »
Quoi de pire que la maladie et la mort d’un enfant ? Alice est une petit fille pleine de vie, entourée de ses parents et de deux soeurs elle va avoir à affronter la plus cruelle des épreuves. Des maux de têtes de plus en plus douloureux et le verdict tombe, implacable. Une tumeur. Maligne. Le désarroi, l’incompréhension, le sentiment d’injustice d’abord. Comment l’expliquer aux autres enfants ? Comment adapter le quotidien à ce nouveau rythme familial au gré des examens, des hospitalisations ? Puis la rage, la combativité, la solidarité. Tous ensemble vaincront-ils le fléau ? L’acceptation, la sérénité d’Alice face à la mort, l’amour enfin. L’amour toujours.
Difficile de ne pas être saisi d’émotion à la lecture de ces mots. Suzanne Lebeau s’emploie à exprimer ici les sentiments de tous, prenant tour à tour la position parentale ou celles des deux autres soeurs. Chacun vit en effet la maladie à sa manière, avec sa propre sensibilité et l’auteure parvient magistralement à porter leurs mots avec simplicité et sincérité, sans jamais tomber dans une forme indigeste de pathos. Alice elle aussi se dévoile avec pudeur, elle regarde son petit monde se souder autour d’elle et nous livre en pointillés ses émotions face à la mort qui arrive lentement. Les cinq voix s’enchevêtrent à la perfection comme un maillage complexe qui se tisse progressivement autour d’Alice, la protégeant, l’entourant de tout l’amour que l’on pourrait avoir à offrir. Dans un style épuré et empreint de douceur, Suzanne Lebeau comme à son habitude regarde ses personnages évoluer avec bienveillance, offrant au lecteur petit ou grand une partition profondément bouleversante. Un de ses meilleurs textes assurément !
Audrey Jean
« Trois petites sÅ“urs » de Suzanne LebeauÂ
ISBN 978 2 84260 706 7
8 €
éditions Théâtrales JeunesseÂ