Festival Avignon : en aparté avec Jean-Paul Rouvrais
En aparté avec Jean-Paul Rouvrais, metteur en scène de Arthur M. Un spectacle étonnant sur l’inclinaison naïve des hommes qui se croient libre sans l’être. Découvrez cet entretien où Jean-Paul Rouvrais nous en dit plus sur ce spectacle puissant.Â
SLP_ Pouvez-vous nous présenter Arthur M ?
Jean-Paul Rouvrais_ _Arthur M pose la question du déterminisme. Sommes-nous condamnés à reproduire les schémas éducatifs ou est-ce qu’on peut s’en affranchir ?
 SLP_ Vaste question…
J-P.R._ Cette question est importante et elle concerne chacun. Si nous voulons éprouver un minimum de liberté dans notre vie, si nous ne voulons pas reproduire les erreurs de nos ainés, il est important, voir vital de savoir d’où l’on vient. Comment nous avons grandi ? Avec qui et où ? La liberté n’est jamais donnée. On croit être libre mais on ne l’est pas. Pour ainsi dire jamais. Et si liberté il y a, elle ne peut arriver que dans une conscience augmentée.
SLP_ J’ai remarqué que la mise en scène est très spéciale et filmique. Pourquoi avez-vous choisi une telle mise en scène ?J-P.R._ La mise en scène est toujours une question de choix. Ici aussi, déjà , se pose la question de la liberté. Qu’est-ce que nous voulons montrer et comment ? L’oeuvre doit être singulière. Elle doit impacter. On ne sort pas d’un spectacle comme on y est entré. L’art n’est pas juste une question d’économie. Il était important pour moi à travers ce travail de réintroduire le spectateur dans une sorte de mémoire. De le plonger dans sa propre mémoire. Comment ce qu’il voit peut ramener à la surface des choses de sa vie, de son passé. Il fallait donc construire une oeuvre qui puisse établir d’emblée une sorte de corps à corps avec le spectateur. Un rapport sensitif. Comme dans la danse. Une sorte de rapport de système nerveux à système nerveux. S’appuyer sur la peinture de Françis Bacon et sur l’esthétique de David Lynch nous semblait être une bonne entrée.
(c) Xiaoyuan Wang
SLP_ Quelles ont été les difficultés rencontrées ?
J-P.R._Il n’y a pas eu de difficultés dans le travail. Toute l’équipe, musicien, scénographe, vidéaste, éclairagiste, acteur sont entrés avec beaucoup d’envie et d’énergie dans le travail et l’objet proposé. Nous avions conscience dès le départ de produire quelque chose de singulier. Là où nous rencontrons des difficultés c’est dans la réception de notre travail. Il est important que l’objet théâtrale que nous proposons soit bien identifié. Les gens ne peuvent pas venir voir Arthur M en pensant qu’ils viennent voir un divertissement. Si le théâtre accompagne la vie de l’homme depuis toujours ce n’est peut-être pas par hasard. Je pense que le théâtre et l’art en général est là pour éveiller les conscience.
 SLP_Quels sont vos projets ?
J-P.R._Un autre conte. Un texte que j’ai écrit il y a deux ans. Un monologue pour une femme qui parle de la violence faite aux enfants. Comment vivre après avoir été battu ? Comment se construire ? Comment oublier ou faire avec notre passé. Quoique nous fassions c’est toujours la même chose qui revient. On fait toujours avec notre histoire. Et nous créons pour ça : conjurer les démons.
Propos recueillis par Xiaoyuan Wang