Festival Avignon : « Iphigénie à Splott » de Gary Owen

Le 11 met à l’honneur un OVNI théâtral, Iphigénie à Splott de Gary Owen. Cette pièce troublante et impactante rappelle de façon indirecte le mythe d’Iphigénie dans la mythologie grecque. Transposée à nos jours, elle se distingue tant par la performance exceptionnelle de Gwendoline Gauthier que le raz de marée émotionnel qu’elle suscite. Ce spectacle fait partie de nos coups de coeur de ce festival.

Iphigénie, sur scène tourne en rond, prenant à témoin les spectateurs. Elle vit à  Splott, un quartier déshérité de Cardiff. Un endroit qui laissé en déshérence avec son cortège de magasins fermés ou détruits, ses terrains vagues, sa piscine cassée et ses services de santé à l’abandon. Elle vit sur les décombres de ce quartier qu’elle a toujours connu. Mémé ne vit pas loin et l’aide financièrement. Mais « Effie » a la rage, son débit est rapide, précis, tranchant, percutant et imagé, très imagé. Employant un accent des banlieues, elle fulmine, promenant sa rage au gré des vents. Kévin, son petit copain, un bon à rien, trop gentil, avec son chien qui chie partout sur les trottoirs. Il y a bien Lynn, gentille mais une mijaurée tout de même. Alors pour oublier, elle boit, boit .de la vodka et fume.. Elle prend l’habitude de « s’envoyer des mines » le soir et d’avoir la gueule de bois le lendemain. Ca fait passer le temps ! Un temps qui n’en finit pas de s’étirer. Puis un jour, elle rencontre Yann. Alors lui, il ne figure pas dans la même cour que les autres. Il le lui faut. Elle l’aura, c’est sûr ! Avec lui, tout sera différent. Enfin, elle ne se sentira plus seule. Peut-être même complète. Ses tripes le ressentent. Sa vie va changer ! Mais la destinée peut être une sacrée chienne…

Des vagues d’émotions surprennent brutalement le public jusqu’à l’ensevelir totalement. Complètement asphyxié par ce tsunami émotionnel, il perd pied entrainé par Iphigénie qui se débat. Les spectateurs luttent avec elle. L’emprise est forte et assiège le public, sidéré et tétanisé. Toute la force de cette dramaturgie est à porter au crédit de la mise en scène de George Lini. L’accompagnement musical de deux guitaristes et d’un régisseur son enveloppent la tragédie d’Effie. Rejetée par la société depuis son enfance ou n’arrivant pas à s’y insérer, son chemin de croix l’amènera à couvrir un système de santé totalement défaillant. Cette déficience obère toute colère en la matière sur l’autel de la culpabilité. Saluons la performance de Gwendoline Gauthier qui allie rythme, intensité, énergie et émotion à son interprétation à couper le souffle. Il est des voyages dont on ne revient pas facilement. Mais qu’il est bon de l’avoir vécu !

Laurent Schteiner

Laurent Schteiner