Festival Avignon : « L’invraisemblable mésaventure de Gregor Samsa » d’après Franz Kafka

Le Théâtre du Petit chien nous propose actuellement L’invraisemblable mésaventure de Gregor Samsa d’après l’oeuvre de Kafka, la Métamorphose. Ce récit mis en scène par Sarkis Tcheumlekdjian révèle de belles qualités esthétiques mettant en relief ce récit fantastique. Mais dans les replis de cette oeuvre subsiste un message subliminal sur les réactions imprévisibles de l’être humain. Un conte haletant narré avec talent par Déborah Lamy et Didier Vidal !

Un couple sur le quai d’une gare en possession d’une lettre nous narre une histoire fantastique. Ils sont habillés chaudement assis sur leur bagages. La neige tombe drue. Cette oeuvre pouvait  faire écho au courrier que le jeune Franz reçut de son père. Son  contenu, quelque peu violent, le considérait comme un parasite, rejetant avec force la vocation de son fils. Un métier d’écrivain, honni par son père pour qui cette vocation n’était pas du tout en rapport avec  les attentes traditionnelles familiales de l’époque.

Un matin, Gregor Samsa, représentant de commerce, se réveille sous la forme d’un cancrelat. Il est en retard pour aller à son travail. Ce qui lui génère un stress important…

On retrouve tout l’univers de Kafka où les effets collatéraux prennent le pas sur le fantastique ou l’incongru. En ouvrant la porte du fantastique au quotidien, Kafka provoque une dichotomie du corps et de l’esprit. Ce récit incroyable, qui avait déclenché l’hilarité des amis de Kafka à sa lecture, est une pure merveille.

Un couple sur scène semble attendre sur le quai d’une gare le train. Pour tromper le temps, ils racontent cette histoire hallucinante à la façon d’un conte, celle de Gregor Samsa. Accompagnés par des effets sonores réalistes, les comédiens forcent l’imaginaire du spectateur , qui tel un voyeur, vit âprement ce récit. Se donnant la réplique avec force complicité, ce couple déroule le fil de ce récit insensé. Pas si insensé que cela car à y regarder de près, l’attitude des proches est souvent perçue de façon plus pernicieuse et effrayante que la cause elle-même du problème. En sont les témoins le renoncement de sa mère, la trahison de sa sœur et la violence de son père.  De facto, la métamorphose s’étend par extension au reste de la famille. Saluons ce duo de comédiens qui nous embarque purement et simplement dans l’univers kafkaïen sans qu’on y prenne garde. Un joli spectacle esthétique à découvrir.

Laurent Schteiner.