Festival Avignon : « Une vampire au soleil » de Marien Tillet et Marik Renner
Le théâtre de la Manufacture met actuellement à l’affiche une pépite, Une vampire au soleil, de Marien Tillet et Marik Renner. Ce spectacle halluciné traduit une vérité intangible où l’on s’enfonce dans les sables mouvants d’une mémoire à trous. Que devient-on si l’une partie de nous disparait ? Vampire, démon ou amputé(e) ? Marien Tillet et Marik Renner nous convoquent à un superbe spectacle qu’il convient de découvrir de toute urgence.
Elle apparait sur scène avec des oreilles de lapin. Elle ôte délicatement un dentier en plastique de dents de vampire. Ce qui frappe soudain est son phrasé lent comme si elle cherchait ses mots. Son verbe est distancié comme assis sur un étonnement profond ou une sidération. La parole se libère graduellement. Son discours quelque peu décousu laisse entendre des trous de mémoire. Des ombres malveillantes qu’elle ne peut reconnaitre ont été présentes. Mais quand et pour quoi ? Ce qu’elle se souvient est son adoration pour le soleil. Cette chaleur bien chaude, enveloppante qui lui fournit son oxygène. Peut-être est-elle un être de lumière. Mais sa force provient de ses rayons qui la maintiennent en vie. Et puis le récit prend forme avec la rencontre de cet homme « barrière » qu’elle a l’habitude voir à la station service. Un homme ordinaire de peu et sans importance. Elle ne sait pas pourquoi, elle l’a suivi. Visiblement, il a partagé sa couche. Mais le prix à payer s’est avéré lourd. Vivre l’éternité dans la nuit. Mais si la mémoire nous joue des tours, à quoi bon l’éternité si on ne se souvient de rien. Est-elle vraiment une vampire ? Son compagnon s’est envolé. Elle a fait tous les métiers de la nuit pour s’alimenter en sang frais. Elle a bien tenté de s’exposer au soleil mais elle se rappelle de la douleur éprouvée. D’autres réminiscences lui parviennent. Elle est allongée dans une sidération totale par terre dans le hall de son immeuble, et autour d’elle un serre-tête représentant des oreilles de lapin, un dentier de dents de vampires, du verre éclaté. Une ombre noire au-dessus d’elle. Pour survivre, elle n’a sans doute pas d’autre choix que de tuer une partie d’elle-même. Le soleil, la nuit, tout se mélange et s’affronte jusqu’à la déflagration ultime.
Marien Tillet qui participe à ce spectacle, joue à la guitare des mélopées qui entourent et soutiennent le récit de cette femme. Parfois il se substitue à elle, signifiant une mémoire qui soudainement se réveille. L’osmose de la musique et de ce récit halluciné dépeint une atmosphère particulière fantastique, angoissante et désespérée. La temporalité n’est plus la même et le gâchis des soleils est avéré.
L’interprétation de Marik Renner est proprement bluffante et sa présence scénique solaire nous convient à un spectacle d’une grande qualité, esthétique et stylisé où le tangible perd pied face à l’intangible. Ce spectacle dont on ne ressort pas indemne est à coup sûr l’un de nos coups de coeur de ce festival.
Laurent Schteiner
UNE VAMPIRE AU SOLEIL de Marien Tillet et Marik Renner
 Mise en scène Marien Tillet
Jeu Marik Renner et Marien Tillet
- Scénographie et lumières : Samuel Poncet
- son : Pierre-Alain Vernette
- régie en alternance : Laurent Le Gall et Tom Dekel
- ©JO
La Manufacture à 21H20
Du 7 au 29 juillet 2023
Relâche les mercredis
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