Jean-Charles Mouveaux s’approprie avec maestria les mots de Jean-Luc Lagarce pour une version épurée et délicate de « Juste la fin du monde ». Cette adaptation particulièrement bien interprétée par une équipe de comédiens émérites se joue au Petit Louvre !
Un homme est de retour auprès des siens après de longues années d’absence. Il est different ou alors ils sont différents, peu importe, les mots entre eux ne fonctionnent plus depuis longtemps. Pourtant s’il a fait ce chemin, long, éprouvant, c’est qu’il doit les voir une dernière fois. Il doit leur dire. Il est là maintenant et finalement ce n’est pas facile. Les silences sont lourds de reproches, de tant de distance, les mots quand ils sortent, en flots, en saccades agressent et blessent. Il doit leur dire. La fin. Sa fin qui arrive. Alors une dernière tentative d’être ensemble, de former ce que l’on appelle communément une famille. À les regarder pourtant on ne voit que des étrangers maladroits et méfiants. Se rencontreront-ils enfin ?
Récemment remis au goût du jour avec le très beau film de Xavier Dolan, « Juste la fin du monde » demeure évidemment éminemment théâtral. La puissance de la langue de Jean-Luc Lagarce n’est plus à prouver mais sous la houlette de Jean-Charles Mouveaux elle trouve parfaitement son rythme et son sens. La direction d’acteurs est précise, d’une efficacité redoutable, tout en faisant preuve d’une sobriété judicieuse. La famille comme paysage, ses non-dits, ses douleurs, ses rires aussi. La famille comme matrice d’un chaos, comme toile de fond pour mal-êtres profonds qui ne demandent qu’à être déterrés. Sur ce plateau la scénographie sera un support visuel de cet entre-deux flottant, de cet état qui se joue du temps et du lieu, comme si le huis-clos était ici étirable, infini, intemporel. Chacun se l’appropriera sans doute, se reconnaissant dans l’un ou l’autre de ces personnages, chacun aura à coeur de trouver des excuses, d’essayer de comprendre ou au contraire de nourrir la colère et l’aigreur. Cinq acteurs au plateau pour cette langue universelle et bouleversante, une distribution impeccable en tous points, indéniablement il fallait des comédiens de cette trempe pour faire éclore toute la complexité de ce texte, et toutes les textures de cette histoire familiale en apparence ordinaire.
Audrey Jean
« Juste la fin du monde » de  Jean-Luc Lagarce
Mise en scène Jean-Charles MouveauxÂ
Avec : Chantal Trichet, Jil Caplan, Jean-Charles Mouveaux, Philippe Calvario, Vanessa Cailhol
Mise en scène : Jean-Charles Mouveaux
Assistante à la mise en scène : Esther Ebbo
Scénographie : Raymond Sarti
Festival Off d’AvignonÂ
Théâtre du Petit Louvre à 18h20Â