Après « La Banane Américaine » et « Pour que tu m’aimes encore » voici donc celui que l’on attendait avec impatience, le chapitre 3. Élise Noiraud signe et interprète un nouveau seule-en-scène intitulé cette fois « Le champ des possibles ». Ce dernier volet explore avec humour et sensibilité l’émancipation du cadre familial, un cadre familial pour le moins haut en couleurs. Élise Noiraud use avec délectation de la forme du récit autofictionné pour nous offrir une ode bouleversante à la liberté, un chemin de croix jubilatoire et universel vers la naissance du soi.
Nous avions laissé Élise en proie aux premiers émois de l’adolescence dans le précédent spectacle, elle nous avait fait rire, elle nous avait rappelé combien finalement ces émotions que l’on croit uniques sont universelles et comment nous nous retrouvons tous et toutes dans cette fragilité des premiers amours. la voici prête pour la grande aventure. Nous la suivons ici tout juste diplômée, 19 ans le bel âge, il est temps d’aller à l’université. Mais pour Élise la jeune fille de province, celle qui vit dans un petit village du Poitou c’est à Paris que les choses vont se jouer et cette décision est le premier coup de canif dans la quiétude de la cellule familiale.
Dans la veine d’un Philippe Caubère et ce depuis son premier chapitre, Élise Noiraud interprète tous les personnages du récit avec un tout petit rien, ici une posture, là un accessoire, et immédiatement avec la magie des choses simples, une situation s’installe. Le spectacle est d’ailleurs conçu sans aucune transition, comme des flash-backs les événements s’enchaînent et se fondent les uns dans les autres renforçant l’impression d’accompagner Élise au plus près de sa quête initiatique. Car c’en est bien une, une quête du soi propre, une catharsis pour se libérer et se révéler à soi-même, éclore enfin débarrassée de tous les carcans.  Ce volet s’avère en effet plus profond que les précédents opus, Élise doit s’affranchir de beaucoup de choses pour se réaliser et trouver sa voie, par exemple sa condition de provinciale débarquée dans la capitale, la découverte de l’autonomie, ou encore la séparation avec les parents. Ah les parents…Nous avions déjà rencontré le personnage de la mère sur les précédents chapitres, sa névrose jusque là principalement drôle et attendrissante devient un cran plus toxique ici, ramenant sans cesse Élise en tentative d’émancipation à ses obligations familiales. Les différences se créent, l’éloignement géographique se mue en quelque chose de plus noir. La vie à Paris façonne c’est vrai, et des écarts que l’on ne soupçonnait pas se creusent inexorablement, alimentés  qui plus est par des problèmes de communication. À un âge où il est si difficile de se trouver, de s’écouter seulement, les racines que l’on voulait solides deviennent parfois des fers aux pieds et elles entravent. Comme à son habitude, Élise Noiraud nous offre ce récit touchant comme un cadeau, avec générosité et sensibilité, elle en fait malgré tout un moment festif, féroce et drôle, une jubilation de chaque instant. Indéniablement, preuve en est sous nos yeux  lorsque l’on regarde la comédienne dans son art, cette quête initiatique, c’est dorénavant une force. Au-delà de l’interprétation magistrale, l’écriture est particulièrement fine, faite de détails truculents et de changements de rythmes et d’émotions savamment dosés, ce nouveau chapitre somme toute est un bijou.
Audrey Jean
« Le champ des possibles » écrit et interprété par Elise Noiraud
Collaboration artistique Baptiste Ribrault
Création lumière Francois Duguest
Festival d’Avignon
Théâtre Transversal
Du 5 au 28 Juillet à 18h50