Encerclés, en 133 av. J.-C., par les légions de Scipion, les défenseurs de Numance ont préféré la mort à la reddition. Tel est le sujet qu’à son retour des bagnes d’Alger, Cervantès a porté à la scène, dans les années 1580, dix ans avant les débuts de Lope de Vega. Il n’a pas seulement proposé à l’Espagne de Philippe II, alors au faîte de sa puissance, l’exemple de la «science guerrière» d’une Rome dont elle se voulait l’héritière : à travers le sacrifice des Numantins, il a exalté une aspiration essentielle à l’indépendance, à la justice et à la liberté.
Jean-Louis Barrault a retenu cette leçon, lorsque, en 1937, en pleine guerre civile espagnole, il s’est fait connaître en montant cette tragédie : «Sur le plan métaphysique du théâtre, je pénétrais dans le fantastique, la mort, le sang, la famine, la fureur, la rage. Chant, mime, danse, réalité, surréalité. Le fleuve, le feu, la magie. Le théâtre total. Je m’y jetais à corps perdu. Numance : la vérification qui devait me permettre d’aller plus loin.» C’est en ces termes qu’il rappellera, trente-cinq ans plus tard, une aventure qui a révélé au public parisien l’une des Å“uvres les plus singulières que nous ait léguées le Siècle d’or.
Miguel de Cernatès, poète, romancier et dramaturge espagnol s’est illustré notamment dans son célèbre roman L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche en 1605. Ses oeuvres théâtrales peu appréciées de son vivant ont subi malgré tout un certain ombre d’imitations, en particulier, Le Siège de Numance, écrite entre 1581 et 1583. Sa parodie grandiose des romans de chevalerie et la création des personnages de Don Quichotte, de Sancho Panza et Dulcinée, ont fait de Cervantès la plus grande figure de la littérature espagnole.
Laurent Schteiner
Numance de Miguel de Cervantès
Editions Gallimard Collection Folio
Prix : 6,20 € – ISBN : 978-2-070-44410-6 – Parution : 18 septembre 2014 – 208 pages