Comédien, auteur et metteur en scène originaire du Burkina Faso, Aristide Tarnagda nous propose de découvrir deux de ses monologues mis en parallèle par les éditions Lansman dans cette publication. « Et si je les tuais tous madame ? » et « Les larmes du ciel d’août » ou deux paroles déversées avec violence comme un ultime appel au secours.Â
« Ca a commencé comme ça madame. Brusquement comme ça. Comme une pluie d’août. Une pluie d’août qui, comme une gomme, efface les maisons en banco. Les maisons en carton. Le goudron. Une  pluie d’août qui efface tout et nous installe la frousse des moustiques et du palu. Alors qu’il n’y a pas encore de vaccin contre le palu, contre le palu qui tue des milliers de femmes et d’enfants par jour. Alors que le gouvernement ne nous parle que d’émergence, que de développement, que de croissance positive, que de nouveaux sites d’or découverts, que des voyages du président chez ses homologues…août nous pond des moustiques et les Chinois viennent nous vendre des téléphones. Des motos. Des ponts. Des stades pour jouer au ballon sous le soleil calcinant d’août et expulser le palu par nos pores. »
Ces deux textes sont liés l’un à l’autre par la forme bien sur, deux monologues débutant tout deux à un carrefour, peut-être le même d’ailleurs. Mais il pourrait également s’agir de deux facettes d’un même dialogue de sourds.
Dans le premier c’est un homme qui surgit de nulle part pour interpeller avec véhémence une femme attendant le feu vert au carrefour. Sa parole est un flot continu de mots d’une brutalité qui arrête même le temps. Aucun espace n’est laissé à la femme pétrifiée par cette agression verbale dont la vocation est de soulager son auteur du poids de la vie. Cette parole sera-t-elle salutaire ou au contraire le catalyseur de la décision d’en finir ?Â
Dans le deuxième monologue c’est une femme qui attend à ce même carrefour, refusant de monter dans la voiture d’une femme plus riche, elle attend un homme. Et c’est avec une brutalité identique qu’elle aussi fait le bilan sur la difficulté de sa vie. Elle voudrait que ses mots dépassent son interlocutrice et arrivent jusqu’à cet homme qu’elle souhaiterait toucher en vain. Réutilisant une parole continue c’est là encore la force des mots qui oblige le lecteur à entendre cette détresse. Une écriture puissante et très rythmée à découvrir chez Lansman !Â
Audrey JeanÂ
« Et si je les tuais tous madame ? / Les larmes du ciel d’août » d’Aristide Tarnagda
ISBN 978 2 87282 957 6
10 €
Lansman éditeurÂ