Les éditions Lansman nous proposent de découvrir Céline Delbecq au travers de ce texte magnifique qui traite avec sensibilité des dommages collatéraux du cancer. Lorsque la maladie détruit tout comment se préserver ? Un écriture bouleversante et d’une poésie rare sur un sujet aussi délicat !Â
« Sonia : Toi tu t’en fous si je perds mes pièces. Tu voudrais toute l’attention sur toi mais ce n’est pas comme ça que ça se passe. Avec moi, ce n’est pas comme ça. Peut-être qu’une autre femme t’aurait donné plus d’attention, mais tu as la femme que tu as ! Tu voulais qu’elle ait du caractère, eh bien voilà ! Elle ne va pas s’occuper de toi tout le temps, ta femme. Même l’assistante sociale de l’hôpital saint-charles me l’a dit : j’ai le droit de faire un puzzle ! Comme j’aurai le droit de suivre des cours de tango quand tu seras mort. Ce n’est pas parce que tu as un cancer que le monde va s’arrêter de tourner. »
Sonia est au chevet de son mari Carl-Hadrien en phase terminale d’un cancer. Il n’est déjà plus en mesure de parler et glisse dangereusement vers le coma final en ne s’exprimant plus que par des gémissements et des grognements. C’est l’occasion pour Sonia d’analyser ses émotions dans un flot de paroles libératrices et parfois insensées. Sous les yeux impuissants des spectres de la famille, la mère, la sÅ“ur et la fille du mourant, Sonia éprouve le besoin vital de mettre des mots sur la difficulté d’accompagner le malade et l’épreuve du deuil à venir. Dehors, menaçants, des milliers d’étourneaux se rassemblent prêts à venir chercher Carl-Hadrien.Â
C’est évidemment un sujet difficile que traite ici Céline Delbecq avec un certain lyrisme. Chacun pourra s’identifier personnellement dans la gestion émotionnelle de tout ce qui précède le deuil. Le  dialogue sans réponse qui se noue entre les deux époux noue un crescendo dramatique poignant enrichi sans cesse par les commentaires des fantômes. Comme un jeu de vases communicants plus la vie s’écoule du corps de Carl-Hadrien,  plus le corps de Sonia rentre en tension jusqu’à atteindre un degré proche de la folie. Le lecteur ne peut qu’être touché par cette femme entourée par les morts mais qui doit rester debout. Un très beau texte !
Audrey Jean
« Seuls avec l’hiver » de Céline Delbecq
ISBN Â 978 2 872829538
10€
Lansman éditeur