L’Arche éditeur a publié récemment un ouvrage de Bertolt Brecht « Journal d’Amérique » rédigé pendant les années de guerre alors qu’il se trouvait en exil outre-Atlantique ayant du fuire l’Allemagne. Ce recueil passionnant nous convie à partager les pensées du célèbre dramaturge allemand dans son exil. Il nous livre, avec un regard acéré, sa vision du monde qui évolue constamment au rythme de la folie meurtrière du régime nazi mais également son rapport au théâtre et au cinéma. Un ouvrage passionnant à lire à  plus d’un titre.
Découvrir des bribes de vie de Brecht à travers son passage en Amérique où il conçut notamment bon nombre de chefs d’œuvre relève d’une belle démarche de l’éditeur. Partager ses pensées, ses ironies et ses attentes angoissantes de ce qui se noue en Europe jusqu’au 8 décembre 1941 où la guerre prit pied aux Etats-Unis. Des camps où les japonais d’Amérique ont été parqués et emprisonnés, rien n’échappe à Brecht.
Son journal se décline sur plusieurs modes au gré de ces articles quotidiens où la philosophie et la sociologie font bon ménage pour exprimer son trouble face à la déviation socialiste dont le prolétariat constitue le bouc-émissaire. Un prolétariat perdu sans appui de la bourgeoisie et pourchassé. Un prolétariat qui a permis à la bourgeoisie de fourbir ses armes. Son regard sur Hitler et son incarnation du Néant qu’il représente le hantent. Hitler le pantin, un individu sans consistance représentant une petite bourgeoisie et qui ne fait que jouer en politique. « Il représente la prétention à gouverner de la petite bourgeoisie et non pas personnellement…Son destin est authentique quand on le laisse se heurter aux limites de la petite bourgeoisie et de ses possibilités, subitement il devient une « figure », un premier rôle. »
C’est dans une communauté d’intellectuels exilés baignant dans un milieu artistique d’écrivains, de cinéastes célèbres ou de metteurs en scène de théâtre que Brecht s’accomplit. Mais  la situation en Europe et la progression des Alliés demeure une source permanente d’inquiétude. Ce journal constitue également son défouloir où une partie de sa vie privée transparaît  Une belle introspection chez ce dramaturge de génie durant ces années de peur où, malgré tout, sa belle créativité a toujours perduré pour notre plus grand plaisir.
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Laurent Schteiner
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Journal d’Amérique de Bertolt Brecht
Prix : 25 €
ISBNÂ : 978-2-85181-801-0
www.arche-editeur.com