Christophe Pellet nous a offert récemment une oeuvre théâtrale très solide et très complète en revisitant la période du maccarthysme dans l’industrie cinématographique hollywoodienne. Mais « Loin de Corpus Christi » s’attache davantage à dérouler la vie de trois femmes avec leurs illusions et leurs idéaux contrariés par un XXe siècle peu clément aux rêves et aspirations personnelles. Cet ouvrage magnifique nous dépeint de façon bouleversante comment la grande Histoire peut contrarier la petite histoire d’êtres en pleine jeunesse empreints de rêves les plus fous !
Cet ouvrage douloureux dans son propos est proprement bouleversant. Il repose sur l’obsession d’Anne qui découvre à la cinémathèque française un obscur acteur nommé Richard Hart dans un film américain des années 40. Fascinée par sa beauté et vivant un trouble amoureux à son égard, Anne mène une enquête afin de rechercher les principaux indices permettant de mieux cerner sa personnalité. Son enquête va la conduire à rencontrer les femmes qui ont croisé ou partagé sa vie. l’illustre Brecht exilé allemand croise l’éphémère Hart. Mais cette recherche s’avèrera plus destructrice que salutaire. La force de l’image transcende et anéantit tout espoir. Sa persistance a les mêmes ressorts et la même force que le fantasme. L’inaccessible sublime la beauté. La recherche effrénée d’Anne quant à cette icône est également déterminée par un passé douloureux qui l’avait dévasté dans sa jeunesse.
Tout se mêle et s’entremêle dans cette pièce où les personnages verront leurs rêves perdus a jamais balayés par une réalité historique féroce. Comment ne pas mettre sur un même pied d’égalité les exactions perpétrées par le FBI et celles commises par la STASI dans l’ex-RDA ? Que reste-il de ses itinéraires personnels brisés si ce n’est d’avoir un jour voulu caresser un rêve et tutoyer la beauté. Des rêves et une beauté que seul Hollywood pouvait offrir au monde.
Laurent Schteiner
« Loin de Corpus Christi » de Christophe Pellet
Prix : 9 €
ISBN : 2-85181-615