« Le Bétin » de Olivier Lusse Mourier

par | 19 Avr 2025

Le Studio Hébertot accueille actuellement un spectacle émouvant d’une puissance indiscutable, Le Bétin de Olivier Lusse Mourier. Dans ce récit, il est question d’un destin extra…ordinaire, d’une histoire de vie malheureusement partagée par tant d’enfants martyrs où la pédocriminalité a fait son nid. Ce spectacle est avant tout un cri d’alarme propre à éveiller les consciences que ce fléau existe, qu’on ne peut le taire plus longtemps. Ce spectacle magnifique, dont on ne sort pas indemne, est conçu avec intelligence et une grande finesse. 

Le récit autobiographique, que nous conte Olivier Lusse Mourier, constitue un chemin de croix impensable. Cette faculté de nous narrer simplement son histoire témoigne d’un courage extraordinaire face à l’adversité et à une société pusillanime peu disposée à l’entendre. Les personnages de cette dramaturgie apparaissent tels qu’ils sont en s’ouvrant au spectateur, témoin et réceptacle d’un engrenage qui les ont poussé à agir de la sorte.

A l’état adulte, il arrive parfois que la vie que l’on avait construite nous échappe totalement. On ne sait pas ce qui nous arrive mais la sortie de route est belle et bien présente. Un mal être nous envahit et une angoisse et une peur s’instillent en nous sans que l’on puisse en connaitre l’origine. Tout s’écroule. Ce schéma, vécu par Olivier, le pousse vers une thérapeute. Ces séances vont permettre à son enfant intérieur de s’exprimer et de libérer la parole. C’est une bile entrecoupée de hoquets qui va se répandre dans ce cabinet, déroulant le fil d’une vie de maltraitance.

L’abomination de sa vie confine à la nausée tant la souffrance exprimée nous cueille à froid. Jumeau survivant, il ressent déjà la solitude et l’abandon. Le point de départ d’une vie s’avère capitale. Ensuite, l’atavisme s’avère prépondérant pour expliquer les causes et conséquences d’une famille en totale déroute. Tel est le cas de Marguerite , sa mere et de son père supposé. Peu enclins à se multiplier, ils ont fait d’Olivier un souffre douleur qui les déchargent de leurs propres peurs et angoisses existentielles et au fond de leur propre histoire. Leurs propres traumatismes s’emploient à se déverser sur leur enfant à la façon d’une transmission transgénérationnelle. Réduit à l’état de « Bétin » (terme du jargon rémois signifiant idiot…) par ses parents, Olivier vit sa vie comme un prisonnier martyrisé et harcelé en permanence. La violence de ces deux géniteurs est extrême. « Il », qu’Olivier désigne comme le compagnon de sa mère, se livrera à l’indicible sur sa personne, sur le Bétin. Mais l’enfant intérieur a tenu bon. Il avait besoin de parler à l’adulte afin de se réconcilier avec lui et d’abandonner tout sentiment de culpabilité. Au bout de ce long calvaire, la lumière sera enfin au rendez-vous.

 

Saluons tous les comédiens pour leur magnifique interprétation. Thomas Priscoglio, impressionnant, accomplit une performance incroyable incarnant avec subtilité, sensibilité et finesse le rôle d’Olivier. Chapeau bas l’artiste !  Olivier Lusse Mourier en partageant avec nous son intimité nous a envoyé un message fort. Ne fermons pas les yeux devant ce fléau !
Face à son courage on se sent petit, tout petit, pétris d’humilité et d’admiration. Merci…

Laurent Schteiner

« Le Bétin » de Olivier Lusse Mourier

Mise en scène : Olivier Lusse Mourier

avec Bérangère Dautun, Thomas Priscoglio, Maurine Dubus, Antoine Gatignol, Manon Potier et un pantin

  •  Création lumière : Guillaume Buge
  • Décor : Claude Chapuis
  • Création du pantin : Christophe Kiss
  • Copyright Théo Roux

Studio Hébertot
78 bis bd des Batignolles
75017 Paris
Tel : 01 42 93 13 04
www.studiohebertot.com

Jusqu’au 1er juin du jeudi au samedi à 21h, le dimanche à 14h30

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