« Le Golem » de Amos Gitaï et Marie-José Sanselme

par | 29 Mar 2025

Le théâtre de la Colline nous propose actuellement l’adaptation du Golem d’après Amos Gitaï. Cet artiste et réalisateur israélien revient à la Colline pour nous présenter cette légende juive que constitue le Golem. Ce spectacle extrêmement riche nous convie à se pencher sur notre identité, qui est le coeur même de ce récit. Si la légende juive a traversé les siècles, il n’en demeure pas moins qu’elle a nourri les fantasmes de nombreuses communautés juives dans la diaspora. Au-delà de ce point factuel, Amos Gitaï interroge avec singularité l’identité même de l’humanité. 

Ce spectacle se présente comme une narration où le spectateur est invité à cheminer aux côtés de narrateurs de toutes origines dans les langues du Yiddish, du français, de l’anglais, de l’hébreu, de l’espagnol, de l’arabe, du russe ou encore du ladino. Ce concert de langues ressemble, à tout le moins, à l’édification de la Tour de Babel, alimentant le terreau d’une recherche élargie de notre identité à l’humanité.

Le Golem est l’expression même de la protection des communautés juives. Il est né à Prague, en République Tchèque. Entité créée à base d’argile par un rabbin qui désirait protéger sa communauté, le Golem, s’est enquis de la sauvegarder. Sur son front était inscrit Emet (vérité), et chaque vendredi, le rabbin ôtait cette inscription en prévision du jour du Shabbat. Cependant, un jour il oublia de retirer le nom de son front. Les conséquences ont été désastreuses, le Golem se livrant à des exactions inattendues. Le rabbin essaya alors de retirer complètement l’inscription afin d’enrayer ses ravages. La légende rapporte deux versions. La première précise que le rabbin ne put effacer que la lettre E, ne restant que « met » (mort). Le Golem s’écroula tuant le rabbin. Une autre variante où le rabbin parvint à l’effacer complètement calmant le Golem.

Ce récit est accompagné musicalement au piano, à la harpe ou encore au violon aidé de vidéos en noir et blanc traduisant la pauvreté, la misère des communautés juives de l’époque.  Cette atmosphère particulière nous plonge dans un monde pourvu de nostalgie, de mélancolie et d’âpreté. Le joug que subissent les communautés juives est patent. Chaque narrateur interpelle le public autour de ce thème interrogeant l’identité même de chacun. Chacun, citoyen du monde, révèle son identité et ses origines où l’émigration les a portés ici et là tels des fétus de paille.

La mise en scène est spectaculaire et servie par de remarquables comédiens. Amos Gitaï a porté une importance à la langue du Yiddish utilisée durant le spectacle. Isaac Bashevis Singer expliquait pourquoi il écrivait en Yiddish : « J’aime les histoires de fantômes, et rien ne va mieux aux fantômes qu’une langue qui se meurt. Plus la langue est morte, plus le fantôme est vivant. Et, pour autant que je sache, tous les fantômes adorent le Yiddish et le parlent couramment. ». Pour sa part, Amos Gitaï entretient avec cette langue un rapport personnel, davantage politique, appartenant au discours progressiste de la gauche israélienne : « Je choisis le Yiddish parce c’est une langue de l’exil, sans pays, ni frontières, une langue soutenue par aucun gouvernement. Une langue qui ne possède presque pas de mots relatifs aux armes. (…) Par nature, le Yiddish ne domine pas, il ne tient pas la victoire pour acquise. Le Yiddish est la langue de toute humanité pleine de crainte et d’espoir. « Gageons que ce discours plein d’humanité soit entendu. Le doute est malheureusement permis…

Laurent Schteiner

« Le Golem » de Amos Gitaï et Marie-José Sanselme

Mise en scène : Amos Gitaï

avec Bahira Ablassi, Irène Jacob, Micha Lescot, Laurent Naouri, Menashe Noy, Minas Qarawany, Anne-Laure Ségla

Les musiciens Alexey Kochetkov au violon et synthés, Kioomars Musayyebi au santour, Florian Pichlbauer au piano  et les chanteuses Dima Bawab, Amandine Bontemps, Zoé Fouray, Sophie Leleu, voix et harpe, Marie Picaut en alternance

Recherche Rivka Markovitski Gitaï
Assistanat à la mise en scène Céline Bodis, Talia De Vries, Anat Golan
Lumières Jean Kalman assisté de Juliette de Charnacé
Son Eric Neveux
Scénographie  Amos Gitaï assisté de Sara Arneberg Gitaï
Coiffures et maquillage Cécile Kretschmar 
Costumes Fanny Brouste assistée d’Isabelle Flosi 
Patine costumes Emmanuelle Sanvoisin
Vidéo Laurent Truchot
Conseiller musical et chef de chœur Richard Wilberforce
Préparation et régie surtitres Katharina Bader
conseiller et coach yiddish Shahar Fineberg
Fabrication des accessoires, costumes et décor ateliers de La Colline
crédit Photo : Simon Gosselin

Théâtre de la Colline
15 rue Malte Brun
75020 Paris
resa : 01 44 62 52 52
La Colline – théâtre national

jusqu’au 3 avril 2025
du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30

 

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