« Les plaines de la calamité » d’Alice Schwab

par | 17 Avr 2025

Le théâtre de la Reine Blanche nous offre actuellement un magnifique spectacle d’Alice Schwab, Les plaines de la Calamité. Ce spectacle puissant, riche et onirique nous plonge dans les méandres d’une famille dont la structure même ne tient plus que sur des pilotis. Dans un huis clos qui rappelle les tragédies antiques, la maison se prête à circonscrire l’unité de lieu, d’action et de temps. Marquée par l’empreinte ignominieuse du crime, elle devient le marqueur indélébile d’une catharsis salutaire pour les membres de cette famille. 

Dans un coin reculé et déshérité, Martha revient dans la maison familiale. Après en être partie précipitamment, huit ans auparavant, elle se décide à revenir affronter les vieux démons qui l’ont amené à prendre cette décision radicale. Accompagné de son compagnon Noé, elle entre dans ce lieu chargé de fantômes, non sans appréhension. Elle retrouve ses sÅ“urs qui trainent leur chagrin en bandoulière d’avoir été ainsi séparées d’elle. Le père, quasi grabataire, représenté par une marionnette, constitue l’archétype même du patriarcat. Sa mère dans les mêmes dispositions que ses autres filles, ne cache pas sa satisfaction et tente de dissimuler sa rancÅ“ur. Les retrouvailles sont pleines d’épines. Les mots claquent, parfois, avec une violence entrecoupée de joyeux faux-semblants. La tension est extrême lorsque l’ardoise des responsabilités est évoquée concernant les soins apportés au patriarche grabataire au regard de la fuite et de la démission de Martha.  Cette violence de forme n’aborde pas le fond du problème. Il est sous-jacent. Il n’attend qu’une étincelle pour jaillir. Celle-ci jaillira de façon totalement inopinée sous une forme onirique qui révélera l’épais mystère qui entourait la fuite de Martha. Dès lors son retour prend la forme d’une catharsis permettant de ressouder la fracture d’une sororité mise à mal. C’est avec une extrême finesse qu’Alice Schwab prend le pouls de cette famille désunie et nous projette un état des lieux peu reluisant. Mais souvent, les crises permettent d’avancer. Tel est le cas pour cette famille en délicatesse. Majestueuse et triomphale, la vie peut reprendre son cours sur les cendres d’un fumier dont les volutes de fumée se dissipent peu à peu dans l’air.

Alice Schwab a posé le cadre de ce récit et de sa scénographie dans un souci d’une belle authenticité. Evitant les écueils sur la question du patriarcat, elle fait montre de subtilité et de finesse pour nous toucher en plein cÅ“ur. L’introduction d’une marionnette représentant un patriarcat désormais muet est une idée intéressante . Les forces vives du temps et de l’histoire ayant eu raison de ce concept sociétal éculé.  Les comédiens sont épatants. Saluons toutefois les performances de Marie Norbonne et de Marine Arena. Un beau spectacle à ne pas manquer !

Laurent Schteiner

 

« Les plaines de la calamité » d’Alice Schwab

Mise en scène : Alice Schwab

avec Marine Arena – Laurence Côte – Rémi Giordan – Noé Hermelin – Marie Narbonne, Leonor Oberson / Romane de Stabenrath (alternance) et
une marionnette

  •  Intentions chorégraphiques : Lilou-Magali Robert
  • Scénographie : Angèle Prédan – Alice Schwab
  • Costumes : Louise Depardieu, Temuleen Nyamdorj et Caroline Schwab
  • Marionnettes : Caroline Schwab – atelier cinq à 10
  • Création sonore : Clément Ferrigno
  • Création lumière : Zoé Ritchie
  • Copyright L.A.Dubos

Théâtre de la Reine Blanche
2 bis passage Ruelle
75018 Paris

Tel : 01 40 05 06 96
www.reineblanche.com

Jusqu’au 3 mai, les mardis et jeudi à 19h, les samedis à 18h

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