Phénix Festival : « Pannonica, baronne du Jazz » d’Olivia Elkaïm

Le Phénix Festival nous propose actuellement une pièce d’Olivia Elkaim, Pannonica, baronne de Jazz au Studio Hébertot. Cette vie hors-norme, contée de belle manière par Olivia Elkaïm, nous transporte dans un  voyage unique et musical où la liberté d’une femme ne peut se transiger malgré les contingences et convenances sociales attachées à sa classe. 

Dans une lumière basse et diffuse, presque indiscrète, Kathleen Pannonica de Koenigswarter, née Rotschchild en 1913 et baronne anglaise, fille du banquier et naturaliste Charles Rothschild, répond aux questions de la police qui l’a arrêté au volant de sa voiture en compagnie d’un noir. Ce dernier, tremblant de rage, n’est autre que Thelonious Monk, son amant et jazzman de génie. En tenant fièrement tête aux policiers, Pannonica revient sur les aspects d’une vie riche en rebondissements. Choyée par un père qui l’adorait et qui lui avait donné pour nom, Pannonica, un joli nom de papillon, elle n’aura de cesse à revendiquer sa personnalité au fil de sa vie. Traumatisée par le suicide brutal de son père, elle suivra un temps une vie toute tracée convenant à son rang. Mais la seconde guerre mondiale va réveiller cette femme endormie dans un sommeil de convenances et de contingences sociales. Tour à tour, infirmière et pilote de bombardier, sa soif de vie brise les codes et usages en vigueur dans sa famille. Les dés sont jetés, elle ne sera plus Kathleen mais Pannonica ! Tournant le dos à sa famille, et s’énivrant de musiques de jazz dans les bars de Harlem, elle se perdra dans ces lieux « maudits » où les fulgurances de la musique noire frayaient avec la pauvreté d’une vie âpre et dure. Devenue mécène de ces artistes de jazz noirs, elle aura trouvé le chemin de sa vérité, la seule raison qui vaille la peine de vivre une vie véritablement authentique.

Ce monologue, qui explore l’intimité de cette femme unique, interprétée magistralement par Natacha Régnier, est accompagné par la musique de Raphaël Sanchez. L’apport musical de cet artiste transmet l’atmosphère de toute une époque, aidant l’imaginaire à convoquer les scènes et les lieux. Dans un autre registre, on ne peut s’empêcher de penser à Juliette Gréco et Miles Davis. La mise en scène de Christophe Gand met en valeur le texte et l’action même du propos dans une grande sensualité qui tranche avec le noeud gordien de sa famille. Le tout dans un geste stylisé qui rapporte néanmoins de façon crue le témoignage étonnant d’une femme libre !

Laurent Schteiner