Catherine Marnas nous offre actuellement au théâtre du Rond-Point un spectacle saisissant d’à-propos et d’originalité. Le titre évoque un espace, une pièce chargée de vie baignée par la lumière avant de basculer dans les ténèbres. Ecrit par Tony Kushner, cette pièce présente un faisceau de résonnances actuelles intrinsèquement renversantes.

La Saint Sylvestre à Berlin se moque allègrement d’Adolf Hitler. L’insouciance est de mise dans une petite société d’amis composés de syndicalistes pénétrés des progrès de la révolution bolchévique. L’expansion de la révolution rouge touche désormais une Allemagne désormais ingouvernable. Le centre s’est effondré et le président Hindenburg peine à trouver une coalition le maintenant au pouvoir. Les nazis consacrent des députés au Reichstag. L’atmosphère est lourde et les lendemains ne sont guère engageants.

La pièce pourrait se poursuivre de la sorte mais la mise en scène astucieuse de Catherine Marnas redonne la main à l’auteur de cette pièce. Incarné, celui-ci intervient en interrompant la pièce en questionnant le public sur les tentations multiples de certains politiques à profiter d’un événement tiers (Covid, affaissement de la crédibilité du pays ou encore volonté populiste) pour s’emparer du pouvoir. Les figures de Reagan, Trump dansent sous nos yeux. A ce point de l’histoire de l’Allemagne, sur cet arrêt sur image, l’auteur explore ce parallélisme qui entoure ce phénomène.

® Pierre Planchenault

Tel un machiniste qui appuie sur un bouton, nous voilà à nouveau replongés dans ces années 30 où l’univers de cette société d’amis va se déliter et s’effondrer. Les ténèbres ont envahi l’Allemagne et l’Europe. Juifs, homosexuels et syndicalistes révolutionnaires deviennent les cibles populistes des nazis qui leur déclarent la guerre et préparent leur extermination.

Ce spectacle permet à l’histoire de suspendre le temps d’un instant son vol afin de bien comprendre l’articulation de ces faits et de ces événements historiques. Ecrit en 1985, dans les années Reagan, Tony Kushner ressentait tout le poids de ces interrogations. En disséquant l’origine du mal, personnifié sous les traits de Satan, il nous offre une lecture effrayante à l’aune de notre récente histoire. Tony Kushner appelle à maintenir notre attention afin d’éviter tout débordement ou virage extrémiste. Cette pièce singulière est un cri d’alarme lancé par son auteur afin d’observer une vigilance accrue.

La scénographie divisée en deux nous présente le passé et le présent. Cette frise historique permet au  présent d’analyser les convulsions du passé. Les comédiens jouent une jolie partition qui élève le propos de la pièce. Il est toujours salutaire de réaliser des arrêts sur image afin de rester sur le qui-vive de l’Histoire.

Laurent Schteiner

A bright room called day de Tony Kushner
traduit par Daniel Loayza
Mise en scène de Ctaherine Marnas

avec Simon Delgrange, Annabelle Garcia, Tonin Palazzoto, Julie Papin, Agnès Pontier, Sophie Richelieu, Gursahad Shaheman, Yacine Sif El Islam, Bénédicte Simon

  • Assistanat mise en scène : Odille Lauria, Thibault Seyt
  • Scénographie : Carlos Calvo
  • Musique : Boris Kohlmayer
  • Son : Madame Miniature assistée de Jean-Christophe Chiron, Edith Baert
  • Conseil et préparation musicale : Eduardo Lopes
  • Lumières : Michel Theuil assité de Calirsse Bernez-Cambot Labarta, Véronique Galindo
  • Costumes : Edith Traverso assistée de Kam Derbali
  • Maquillages : Sylvie Cailler
  • Projection : Emmanuel Vautrin
  • Confection des marionnettes : Thierry Seyt
  • Construction décor : Jérôme Verdon assisté de Eric Ferrer, Marc Valladon, Loïc Ferri

Théâtre du Rond-Point
2 bis, avenue Franklin Roosevelt
75008 – Paris
Salle Renaud-Barrault

Tel : 01 44 95 98 21
theatredurondpoint.fr

jusqu’au 5 décembre 2021 à 20H30 du mardi au samedi, le dimanche à 15h

 

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