Le Collectif « Le Birgit ensemble » regroupant une partie de la promotion 2013 du Conservatoire National s’illustre avec brio dans une création engagée et ambitieuse actuellement au TGP. « Berliner Mauer : Vestiges » est un projet hors-normes, porté par une équipe de jeunes comédiens brillantissimes, qui questionne avec intelligence l’héritage de l’histoire. Au delà d’un spectacle réussi et cohérent c’est une véritable expérience que les deux metteurs en scène Julie Bertin et Jade Herbulot vous invitent à vivre !
9 Novembre 1989 : Chute du Mur de Berlin. Pour toute une génération d’enfants nés dans les années 90, et en l’occurence les artistes du collectif, cet évènement est historique bien qu’il était impossible pour eux d’en saisir les enjeux à ce moment-là . Pourtant ils en ont hérités malgré eux, de ces bouts de mur, et ils seront marqués à jamais dans leur quotidien du poids de cet héritage, le changement d’un monde. Alors pour bien comprendre toute la charge que ce tournant représentait Le Birgit ensemble choisit de remonter à l’origine de la fracture, au lendemain de la seconde guerre mondiale, la fameuse conférence de Yalta qui annonçait les prémices du découpage territoriale à venir. L’équipe assemble ainsi, en ayant pris soin de se documenter de manière précise, les éléments d’une fresque passionnante, une épopée bouillonnante chargée de symboles puissants.
Le projet est donc vous l’aurez compris, très ambitieux et il va bien au delà de nos espérances puisque Jade Herbulot et Julie Bertin vont jusqu’au bout de la démarche et créent elles aussi la fracture dans la salle, avec l’élaboration d’un mur de Berlin sur le plateau du TGP, équipé pour l’occasion d’un système scénique bi-frontal. Une première partie du spectacle reste commune et restitue le Berlin de l’époque, déjà fortement assombri par l’après-guerre. La conférence de Yalta marque ensuite le début de la division avec l’utilisation de symboles simples mais d’une efficacité redoutable. Une première ligne tracée dans le sable suffira à représenter avec force toutes les difficultés à venir. Le mur enfin s’élèvera, implacable et marquera le début d’une nouvelle ère. A partir de là il se joue dans la salle deux spectacles en simultané, le public ne percevant que des bribes de conversations ou des sons témoignant de ce qu’il se passe du côté du mur où il n’est pas. Quelle belle maitrise de l’espace scénique fallait-il pour parvenir à imbriquer parfaitement les deux actes totalement distincts ! Deux atmosphères différentes s’ignorent et se devinent en même temps à travers cette paroi tombée du ciel. Ainsi alors que résonnent à l’Est les pas glaçants de la Stasi les résistants à l’Ouest élaborent des stratégies et creusent sous le mur pour permettre à chacun de retrouver les siens. Bien sur ce procédé génère une certaine frustration de ne pas avoir vécu les deux facettes d’un même évènement mais il ne tient qu’à vous de retourner voir le spectacle en prenant soin de choisir l’autre versant. A travers ce traitement extrêmement symbolique le collectif nous offre un spectacle avant tout très vivant, d’une intelligence rare et à la fois bouleversant de simplicité. Aucune prétention, aucune démonstration de savoir-faire mais plutôt une incroyable invitation à questionner ensemble le monde qui nous entoure. Une nouvelle preuve s’il en fallait qu’une jeune génération de créateurs est là , prête à prendre la parole et à l’apporter avec générosité dans les théâtres. 9 Novembre 1989 : Chute du Mur de Berlin. Sur le plateau réunifié en témoignent les traces de ces années passées, les pas dans le sable, les confettis de la fête, et nous. Nous, face à ce que nous étions. Nous, face à ce que nous serons.
Audrey Jean
« Berliner Mauer : Vestiges » une création par Le Brigit ensemble
Mise en scène de Julie Bertin et Jade Herbulot
Avec Julie Bertin, Lou Chauvain, Pauline Clément, Emilien Diard-Detœuf, Pierre Duprat, Anna Fournier, Kevin Garnichat, Jade Herbulot, Lazare Herson-Macarel, Timothée Lepeletier, Elise Lhomeau, Antoine Louvard, Morgane Nairaud, Marie Sambourg, Anaïs Thomas
Violoncelle ; Raphael Colombe
Scénographie Camille Duchemin
Crédits photos : Denis Manin
Jusqu’au 14 Février
Du lundi au samedi à 20H
Dimanche à 15H30
TGP, centre dramatique national de St Denis