Tandis que la Pologne annonce la création d’un musée du ghetto de Varsovie, David Lescot retrace le quotidien de deux de ses enfants durant la seconde guerre mondiale, deux cousins Paul Felenbok et Wlodka Blit-Robertson dont les témoignages bouleversants se croisent et se rejoignent. La forme est épurée, dépouillée de tout artifice scénique laissant toute la place aux douloureux souvenirs pour exister dans ce théâtre documentaire poignant porté par deux acteurs parfaits. Fort et nécéssaire évidemment.
Ils ne sont pas plus d’une dizaine en France, ceux qui restent, ceux qui ont vu de leurs yeux le ghetto de Varsovie, ceux qui ont survécu à ces années d’enfer. Paul Felenbok et sa cousine Wlodka Blit-Robertson sont de ceux-là , âgés respectivement de 7 ans et 12 ans en 1943 ils se souviennent. Par le biais de la plume bienveillante de David Lescot, et grâce aux voix apaisées de Marie Desgranges et Antoine Mathieu,  Paul et Wlodka nous racontent. Nous, nous les écouterons parce que nous le devons, parce que nous le voulons, parce que nous le pouvons.
Comme à son habitude David Lescot signe un texte délicat sans pathos, où pourtant l’émotion est tangible de bout en bout, une tristesse simple et pure, une compassion sincère qui ne sera à aucun moment issue d’un dispositif larmoyant. S’appuyant sur les témoignages de ces deux enfants devenus adultes l’auteur reconstitue par bribes ce qu’ont pu être ces longues journées au coeur de l’horreur. Dire le ghetto, en dire son ennui, ses aberrations, ses violences et ses peurs. La force du texte comme celle des témoignages, hormis le poids de la charge émotionnelle bien sûr, réside dans le fait que l’on s’attache ici à des détails, des impressions fugaces, des visions d’instants précis. C’est justement la précision de ces détails racontés par les survivants qui a interpellé David Lescot lors de sa rencontre avec Paul et Wlodka, comment le corps et la mémoire sont imprégnés de sensations, d’images indélébiles et particulièrement ciselées. Il s’agit alors de transmettre les témoignages non pas juste par devoir de mémoire mais simplement parce que c’est notre histoire. Car enfin nous sommes aussi tous ceux qui restent, ceux qui à notre tour témoigneront toujours de ces sombres pans de notre histoire commune. Pour que jamais ne s’éteignent ces récits, pour que jamais ne cessent de vivre ces mémoires.
Audrey Jean
« Ceux qui restent » conception et mise en scène de David Lescot
Paroles de Paul Felenbok et Wlodka Blit-Robertson
Avec Marie Desgranges et Antoine Mathieu
Théâtre Déjazet jusqu’au 9 DécembreÂ
Du mardi au samedi à 19h