La Compagnie du Veilleur est de retour à Paris avec une création autour d’un texte de Fabrice Melquiot « Days of Nothing ». Mathieu Roy clôture ici son travail de recherche autour des visages de la jeunesse, un triptyque passionnant consacré à l’adolescence et à la construction de l’identité. Associé à l’écriture de Melquiot le résultat est fascinant, notamment grâce à un univers visuel reconnaissable de la Compagnie du Veilleur. Les deux comédiens Hélène Chevallier et Philippe Canales s’illustrent avec brio  dans ce duel psychologique tendu, drôle et féroce.
« Se croire au cœur des choses et passer à côté de tout »
Rémy Brossard est auteur de romans en résidence d’écriture dans un collège. Pour un salaire de 1500€ il a l’obligation de passer une semaine à écrire dans une salle de classe vide, de rencontrer accessoirement quelques élèves pour leur parler du métier. Mais Maximilien vient rapidement troubler ce qu’il pensait être une bonne planque. De manière récurrente le jeune homme bouleverse la quiétude du bocal dans lequel est enfermé Rémi, sans pour autant que ce dernier ne saisisse l’appel au secours caché derrière les échanges musclés. A son retour au collège, après 3 semaines d’absence, Rémi apprend le suicide de Maximilien. Le souvenir lancinant de la rencontre avec cet adolescent provocateur, rehaussé par l’apparition de sa petite amie Alix transforme l’ancrage de Rémi dans le réel et remet profondément en question son rapport à l’écriture.
Fabrice Melquiot n’en est certes pas à son coup d’essai, directeur du Théâtre Am Stram Gram le question de la jeunesse est pour lui primordiale et a déjà fait l’objet de plusieurs textes. « Days of Nothing » met particulièrement bien en scène la complexité pour adultes et adolescents de se comprendre, de simplement parler le même langage. Au fil des répliques de ce dialogue, on constate le fossé entre la réalité sinistre du collège et le monde plus intellectualisé de Rémi. Cette sensation est renforcée par une scénographie chiadée, qui découpe le plateau en plusieurs plans, isolant l’écrivain dans une cage vitrée. Seuls un couloir et une vitre le séparent de la cour mais Rémi ne veut finalement pas être immergé dans la vraie vie, la rencontre avec l’autre le terrorise et il se drape d’autant plus dans son égo d’écrivain. De leur côté Maximilien et Alix avec la fougue de la jeunesse donnent des coups de tête dans cette cage, cherchant aveuglément la rencontre pour pouvoir se construire. Dans cette mise en scène un travail d’orfèvre a été réalisé sur la déclamation du langage. Mathieu Roy dessine ainsi ses personnages avec précision, en leur assignant à chacun un rythme, une élocution particulière et identifiable. Rémi Brossard n’en paraît que plus démuni face à ses jeunes dont il ne comprend pas la langue, les intentions. Il ne saisit ni leur humour ni leur détresse créant un décalage jubilatoire dans l’affrontement. Les deux comédiens excelle dans cet exercice technique. Hélène Chevallier livre ici une performance impressionnante, elle offre à ses personnages d’adolescents deux dictions, deux phrasés totalement différents tandis que Philippe Canales alterne les niveaux de jeu selon qu’il s’adresse à un tiers ou à lui-même. Une réussite à tous les niveaux à découvrir en ce moment au Théâtre Paris-Villette, avec en prime la possibilité de voir ou revoir « Martyr » la précédente création de Mathieu Roy  le 12 Février !
Audrey Jean
« Days of Nothing » de Fabrice Melquiot
Mise en scène de Mathieu Roy
Avec Hélène Chevallier et Philippe Canales
dès 12 ans
Jusqu’au 13 Février
Du mardi au jeudi à 20H
Vendredi et samedi à 19H
Théâtre Paris-Villette
L’Arche est éditeur et agent du texte représenté