Théâtre : « Exécuteur 14 » de Adel Hakim aux Nouveaux Déchargeurs

par | 1 Déc 2022

Le théâtre des Nouveaux Déchargeurs nous propose un spectacle coup de poing, Exécuteur 14 de Adel Hakim, dont la beauté et la puissance sont sidérantes. Que signifie vivre la guerre quand on a toujours vécu en paix ? Une réalité lointaine qui peut, un jour, devenir proche jusqu’à envahir nos vies et les saccager.  Exécuteur 14 crée plus que jamais un ascenseur émotionnel dont on ne sort pas indemne. Un spectacle à découvrir d’urgence !

Dans un pays d’orient où des factions se déchirent et se livrent à une guerre sans merci, le protagoniste de cette histoire nous conte sa jeunesse et sa vie. Dans sa ville mise à feu et à sang, il tente de vivre le plus normalement possible n’essayant pas de prendre parti, de demeurer à la lisière de ce qui est possible afin de rester le plus neutre possible. Mais la guerre fait rage et les murs en portent des stigmates marquants. Les exactions se multiplient. Il observe avec horreur ce cercle vicieux de la violence se déchainer. La lutte pour le pouvoir, pour le contrôle est enclenchée. Mais il a encore des rêves et des espoirs. La guerre ne peut le toucher, ne le doit pas. Un jour, en se promenant en compagnie de sa petite amie, ils franchissent la frontière d’un territoire d’une faction ennemie. La sauvagerie de la guerre le rattrape brutalement lorsqu’il voit sa petite amie violée et assassinée. Le point de bascule s’effectue à ce moment générant un train de haine compacte et tenace. Il ne peut plus être entre deux. Prêt à en découdre, il se rapproche d’anciens camarades entrés dans la lutte armée. la haine s’étant instillée en lui, il devient un tueur, une machine à tuer. Ses rêves d’enfance de transformer sa ville en une cité ultramoderne s’évaporent à la faveur des tirs de mitrailleuses qui fauchent les civils par surprise. La sale guerre est partout. Il devient alors une autre personne, assoiffée de vengeance et de sang. Sa rencontre avec la mort, avec un ennemi dont le tatouage indique qu’il s’agit de l’exécuteur 14, marque un tournant dans la barbarie. Ayant perdu son âme, sans repères, il erre désormais sans rêves ni espoirs, perdu à jamais.

Cette pièce dénonce sans ambages cette évolution désolante et irrépressible où la guerre oblige chacun à choisir, quoiqu’il arrive, un camp. Assis sur quelque neutralité, les événements se chargent toujours d’instiller le germe de la haine. Le besoin d’humanité dans ce monde cède soudain la place à la bestialité la plus immonde où l’homme préfère se détruire pour quelque contingence de pouvoir. La mise en scène est puissante et la performance d’Antoine Basler nous invite dans ce chaos où le spectateur n’en ressort pas indemne. Le travail corporel d’Antoine Basler est remarquable, en nous plongeant au coeur de cette guerre où les restes d’humanité sont balayés comme de vulgaires fétus de paille. Cette pièce brille par la complexité qu’elle crée. On ne nait pas tueur. On le devient. Mais quel est ce contexte qui préfigure à la chute d’un être, à la perte de son âme ? Cette question reste en suspens.

Laurent Schteiner

Exécuteur 14 de Adel Hakim
Un projet interprété par Antoine Basler et conçu avec la collaboration artistique d’Elsa Gallès et Julien Basler

  • Lumière : Bruno Corsini
  • Son : Luc Uyttersprot, Hugo Deserces
  • Crédit photo : Camille Wodling

Théâtre les Nouveaux Déchargeurs
3 rue des Déchargeurs.75001 Paris
Tel : 91 42 36 00 50
www.lesdechargeurs.fr

Jusqu’au 23 décembre 2022 à 19h
durée 1h15

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