Théâtre : « H24 ou 24h de la vie d’une femme » d’après Stefan Zweig

H24 ou 24 heures de la vie d’une femme qui sera présent au Festival d’Avignon au Petit Louvre à 21h20, est une magnifique pièce de Stefan Zweig adaptée et interprétée par Anne Martinet. La mise en scène de Juan Crespillo apporte à la beauté de ce texte, un brin de folie corseté dans un écrin empli d’une élégance hypnotique.  

C’est avec une extrême délicatesse et une grande sensibilité que cette femme, narratrice d’un soir, entreprend un récit qui l’a marqué à jamais. Jusqu’à présent, la vie n’avait pas été tendre avec elle. Seule, depuis le décès de son mari, elle vivait un peu comme une automate poursuivant une route sans sel et sans lumière jusqu’à ces 24 heures qui allaient bouleverser sa vie. De la naissance éphémère d’un fol espoir jusqu’à sa chute tragique, elle vivra un entrelacs d’émotions intenses et antagonistes.

Quelque soit notre âge, on garde toujours en nous le souvenir de nos émois passés d’adolescent, toujours présents et toujours prêts à s’enflammer. Cet élixir précieux de jeunesse forge notre force intérieure, tapi, mais toujours prêt à renaître à la vie. La rencontre de cette femme avec ce jeune joueur invétéré ravive une floppée de sentiments qu’elle avait jusqu’alors ensevelis. Exilée dans une torpeur pâle et mortelle, elle reprend des couleurs en reprenant espoir. Sa beauté s’illumine à nouveau mâtinée d’une sensualité élégante. La vie reprend le contrôle sur la crête d’une vie morne. Tout devient possible, l’espoir renaît. Qu’est-ce donc que la différence d’âge, de ces normes sociétales poussiéreuses ? Tout est là à portée de main et de coeur. Aussi, elle entrevoit sa mission suprême. Le sauver. Quoi de plus généreux que sauver celui qu’on aime. L’amour en ressort toujours grandi, beau, généreux et brillant comme un astre. Mais les 24 heures s’écoulent vite avec son cortège de désillusions où le tragique emporte tout sur son passage comme une lame de fond. Il ne reste plus qu’à remiser ces souvenirs brulants et cruels au fond de son coeur meurtri et reprendre le chemin d’une vie maussade et fade.

Anne Martinet imprime, avec une belle présence scénique, les couleurs de cette femme qui se raconte. Cette narration nous permet de ressentir ce profond désespoir qui anime son personnage en quête de partage. La magnifique langue de Stefan Zweig alliée à la fine interprétation d’Anne Martinet confèrent à ce spectacle un souffle de toute beauté. Ce seul en scène tout en douceur nous frappe en plein coeur et son impact en est d’autant plus grand. Un moment suspendu de grâce !

Laurent Schteiner