Théâtre : « Il n’y a pas de Ajar » de Delphine Horvilleur aux Plateaux Sauvages
Les Plateaux Sauvages ont mis à l’honneur, une autrice hors normes, une personnalité étonnante, Delphine Horvilleur. Après ces deux premiers livres, elle nous revient, cette fois, au théâtre avec Il n’y pas de Ajar brillamment mis en scène par Johanna Nizard et Arnaud Aldigé. S’appuyant sur l’imposture de Romain Gary / Emile Ajar, Delphine Horvilleur revient sur un thème qui lui est cher : l’identité. « Cet enfermement mortifère » est l’objet même d’un « seule en scène » étonnant où les réflexions littéraires, théologiques et politiques fusent à foison avec humour et dérision.
Se fondant sur le suicide « collectif » de Romain Gary et d’Emile Ajar en 1980, et poussant la filouterie de Romain Gary à l’extrême, Delphine Horvilleur crée le personnage Abraham Ajar, le fils d’Emile Ajar ! Vivant reclus dans une cave, il déroule sa vie, un paradoxe vivant en somme ! Mais au fait, pourquoi l’individu a besoin d’une identité ? Un sentiment d’appartenance à quelque chose qui le définirait sans vraiment le définir. Juif, Musulman ou Chrétien… l’étouffement communautaire et les obsessions identitaires deviennent un fléau de société qui gangrène notre société en rejetant l’autre et en gagnant toujours en violence. Qui serions si nous ne nous définissions autrement ? Mélangeant pêle-mêle identité et théologie, Abraham Ajar revient sur le nom de Dieu dans la religion juive, celui dont on ne prononce pas le nom ! Un peu comme Voldemort dans Harry Potter ! « On se garde bien de le prononcer ! » car s’il était là , les problèmes commenceraient. Mais Abraham, dans la bible, avait un père dont la prononciation en hébreu est « Taré » ! Donc, on est tous, quelque part, la fille ou le fils de Taré ! Delphine Horvilleur en fine provocatrice joue sur les mots avec malice et avec une extrême finesse prodiguant ainsi un humour juif délicieux et imparable.
Johanna Nizard qui interprète Abraham Nizard apporte une substance magnifique à son personnage qui se dévoile pour devenir femme et homme à nouveau. Mais que revêt l’identité si ce n’est être soi en plein accord avec son corps. Briser le dogme identitaire revient à percher cette quête inextinguible dans un trou qu’Abraham Ajar nomme le trou juif qu’un certain médecin viennois nomme inconscient. Un endroit que personne ne connait mais qui réside en chacun de nous. L’identité intrinsèque ne se définit jamais par l’extérieur. Dans un acte suprême de se réinventer, Gary en créant Ajar, a su casser les codes identitaires qui le reliaient à Romain en montrant qu’on est aussi autre.
Ajar rappelle cette évidence : « Nous sommes les enfants des livres que nous avons lus et des histoire qu’on nous a racontés, bien plus que nos identités d’origine. »
« Il y a plusieurs années de cela, j’avais proposé qu’on place une nouvelle fête dans nos calendriers religieux. Aux côtés de la Pâque (chrétienne ou juive), je souhaitais voir figurer une fête de « Pas Que », une journée par an où l’on se souviendrait qu’on est « pas que »…Pas que juif, pas que musulman ou chrétien, pas que français, pas qu’homme ou femme. » Delphine Horvilleur.
Laurent Schteiner
Il n’y a pas de Ajar
Texte Delphine Horvilleur
Mise en scène Arnaud Aldigé et Johanna Nizard
Avec Johanna Nizard
- Collaboration artistique à la mise en scène Frédéric Arp
- Conseil dramaturgique Stéphane Habib
- Regard extérieur Audrey Bonnet
- Scénographie et création lumière François Menou
- Création maquillage et perruques Cécile Kretschmar
- Création costumes Marie-Frédérique Fillion
- Création sonore Xavier Jacquot
- crédit photo Pauline Legoff
Les Plateaux Sauvages
5 rue des Plâtrières
75020 Paris
www.lesplateauxsauages.fr
jusqu’au 7 octobre 2022 Ã 20h
â–º PROCHAINEMENT !
LA GRANDE PERSONNE
► ÉVÈNEMENT
LUNDI 21 NOVEMBRE
TARIFICATION RESPONSABLE SUR RÉSERVATION
Delphine Horvilleur sera la 5e invitée de La Grande Personne, rencontre-banquet conçue par Laëtitia Guédon pour Les Plateaux Sauvages. Pour la troisième saison, Les Plateaux Sauvages dressent leurs tables de banquets peu ordinaires où se mêlent à la fois voix artistiques, politiques, publiques et amicales, pour raconter l’incroyable parcours de personnalités hors du commun.
Après Maryse Condé, écrivaine et Prix Nobel Alternatif de littérature 2018, Laurent Gaudé, auteur et Prix Goncourt 2004, Natalie Dessay, comédienne et cantatrice lauréate de six Victoires de la Musique et Leïla Slimani, écrivaine et Prix Goncourt 2016, c’est au tour de l’écrivaine et rabbin Delphine Horvilleur de vous convier à sa table lors d’une soirée exceptionnelle.Â
Avec Delphine Horvilleur et des invité·e·s surprises
EN TOURNÉE
Théâtre de Suresnes Jean Vilar (92)Â
le 8 novembre 2022
Théâtre de Sens (89)
le 18 novembre 2022
Théâtre Romain Rolland de Villejuif (94)
dans le cadre du festival Les Théâtrales du Théâtre Charles Dullin
du 29 novembre au 3 décembre 2022
Théâtre du Rond-Point (75)
du 13 au 23 décembre 2022
Théâtre de Chelles (77)
le 28 janvier 2023
Théâtre Montansier de Versailles (78)
les 3 et 4 février 2023
Théâtre Liberté – Scène nationale de Toulon (83)
du 7 au 9 février 2023
Les Théâtres de Maisons-Alfort (94)
le 16 février 2023