Sur le plateau du Théâtre de Belleville, Chloé Lacan et Nicolas Cloche unissent leurs multiples talents pour nous entraîner dans un voyage musical bourré d’inventivité, une épopée joyeuse et irrévérencieuse sur la quête du soi. « J’aurais aimé savoir ce que ça fait d’être libre » est un spectacle fougueux dont la force semble infuser, pénétrer lentement les pores, laissant le spectateur ébahi par la virtuosité de ces deux artistes. Dans le corps l’impact est visible, nous partons le coeur fredonnant et empli d’une joie tenace.
C’est un drôle d’objet, à mi chemin entre le concert et le théâtre, c’est une expérimentation permanente autour de la mélodie d’où qu’elle vienne. Le spectacle donne en effet l’impression d’assister à la fabrique de la musique et d’être ainsi aux premières loges lorsqu’il s’agira de parler de ce qu’elle provoque en nous. Pour Chloé Lacan le choc de la  rencontre avec la musique a eu lieu toute jeune fille, tandis qu’elle entend pour la première fois Nina Simone. Avec l’aide de son complice Nicolas Cloche, Chloé Lacan déroule le fil de sa vie à elle à partir de ce moment là , en parallèle des combats de la célèbre chanteuse elle nous décrit la construction de l’artiste qu’elle est devenue, traversée en continu par le souffle de Nina. Le récit initiatique musical qui s’assemble délicatement, va magnifiquement mettre en lumière la force de ce lien, la beauté de ce sentiment puissant qui unit nos vies à l’art. Il ne s’agira pas là de raconter Nina Simone, d’ailleurs tout les sépare, comme le dit si bien Chloé Lacan dès le début du spectacle. Pourtant c’est comme ça, c’est là , dans son corps à chaque fois qu’elle l’évoque, à chaque fois qu’elle la chante, à chaque fois que Nicolas Cloche la joue. Cela fait partie d’elle, ce lien à Nina Simone, il est viscéral, organique. Ce que le spectacle dessine c’est le dialogue imaginaire entre l’artiste et nous, cette part d’amour un peu mystique, une relation unique et très personnelle, les raisons pour lesquelles une connexion intime et inattendue avec un artiste reste en effet profondément inexpliquées. Mais ce dialogue est également universel, le sentiment d’exaltation devant le beau, devant l’art, la puissance que cette admiration peut semer en nous, la rage qui peut naître de ce que l’art révèle du monde, tous nous l’avons ressenti dans nos corps et c’est précisément cette sensation pourtant indescriptible qui explose ici, qui jaillit éblouissante dans chaque parcelle de ce récit. La mise en scène au cordeau signée Nelson-Rafaell Madel fait preuve de subtilité et de sobriété, mais le charme de cet objet entre concert et théâtre est fou, conquérant, contagieux. Force est de constater que ce charme réside aussi dans la personnalité de ces deux artistes, est-ce cette élocution particulière de Chloé Lacan, sa manière tout à elle de dire les choses avec tant de passion, est-ce dans la gestuelle souriante et fragile de Nicolas Cloche… on est touchés par ces deux artistes en tant que personne, on ressent la vérité de leur relation à la musique, la beauté de cet attachement à la création et c’est simplement bouleversant. Techniquement le spectacle est remarquable, le travail sur les arrangements est considérable, et finalise la trajectoire si spéciale du récit, les musiques que l’on entend proviennent bien de Nina Simone mais elles ont dorénavant leur propre vie, leur propre personnalité. Chloé Lacan et Nicolas Coche leur donnent corps sourire aux lèvres et à les voir, à les entendre, on se ressource un peu, on vibre beaucoup. Alors dans cette période pour le moins sombre et déprimante, on ne saurait que trop vous conseiller d’aller puiser un peu de cette force, un peu de cette joie de vivre et de créer qui pulse fort du côté du Théâtre de Belleville.
Audrey Jean
« J’aurais aimé savoir ce que ça fait d’être libre »
Textes Chloé Lacan
Mise en scène Nelson-Rafaell Madel
Musiques Nina Simone, Jean Sebastien Bach, Chloé Lacan, Nicolas Cloche, etc
Chant, accordéon, ukulélé Chloé Lacan
Chant, piano, batterie, ukulélé Nicolas Cloche
Arrangements Chloé Lacan et Nicolas Cloche
Théâtre de Belleville jusqu’au 31 MarsÂ
Lundi et mardi à 19H15
Dimanche à 20H30